Après une première à Vancouver et des représentations dans quelques autres villes canadiennes, la Compagnie Marie Chouinard présente sa plus récente création, Le nombre d'or (Live), au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

On y retrouve feulements, respirations audibles, ventres concaves et torses bombés, petits cônes sur les mamelons, mains et orteils expressifs, tremblements, accouplements et baisers gloutons... La tribu sonore et turbulente aussi est au rendez-vous, moins cohésive que dans d'autres créations, mais elle est là. Pour qui a souvent assisté à des productions de Marie Chouinard, c'est du vu et revu. On n'est ni charmé ni terrassé ni dérangé, et on est loin du choc sonore ou physique provoqué par certaines de ses créations précédentes...

Chouinard veut ici donner à voir les mouvements de la pensée: propos complexe, mais facture trop prudente. Certes, Le nombre d'or comporte certains éléments novateurs, du moins dans le contexte d'un grand plateau signé Marie Chouinard, notamment un rapprochement délibéré avec le public.

Depuis que la compagnie a déménagé dans l'Espace Marie Chouinard, la chorégraphe est l'hôtesse de conférences intimes sur son travail, qu'elle anime avec un plaisir évident. Et c'est dans cet esprit de rapprochement que Marie Chouinard et le scénographe Guillaume Lord ont installé une longue passerelle qui s'avance assez loin parmi les spectateurs. Quelques-uns sont également assis directement sur la scène du Théâtre Maisonneuve. Ainsi, les corps frémissants des danseurs, si caractéristiques du travail de Chouinard, sont presque à la portée des spectateurs. L'effet est parfois assez troublant.

Autre élément distinctif : un masque neutre cache souvent le visage des danseurs, ce qui leur confère un aspect à la fois inquiétant et merveilleux. Chouinard insère aussi des masques plus rigolos : 14 Stephen Harper qui exécutent une routine de show girl sexy, ça frappe! Ou des visages de bébés trônant sur des corps nus d'adultes : étrangeté garantie!

Ici et là, des instants qui retiennent l'attention: une entrée en matière miroitante et sensuelle, de grosses lampes sur pied qui ressemblent étonnamment à des humains bienveillants, l'apparition trop brève d'un ventre rougeoyant et une amusante chorale d'onomatopées.

C'est vers la fin du Nombre d'or (Live) que l'on découvre enfin le bijou, soit un époustouflant solo dansé par Carol Prieur, qui détonne parfaitement du reste. Prieur, belle, vulnérable, combative, vibrante, sans masque ni appendices, tantôt mante religieuse tantôt amoureuse lascive. Un corps à la fois hyper laxe et sous tension -apparente contradiction que Chouinard et ses interprètes manient si bien- qui régurgite ou avale de surprenantes bribes de texte. Cela donne tout à coup très envie de découvrir davantage le travail de Marie Chouinard dénué d'artifices.