Dans la nouvelle pièce de la chorégraphe et danseuse Jocelyne Montpetit, on retrouve intact son univers singulier, subtil, mêlant intensité et sensualité comme moyens d'accès aux strates intimes de la psyché humaine, et à une conscience aiguë de la mort.

Mais Avril est le mois le plus cruel est aussi une pièce plus poignante, plus oppressante que les précédentes, empreinte d'une quête désespérée de lumière, et dont la dernière scène hante longtemps après que l'on eut quitté la salle: une femme nue, lampe brandie, erre, cherche dans une obscurité de fin du monde. Cherche quoi, qui? L'humain, tel Diogène? Ou bien une trace de vie qui, comme dans le poème éponyme de T.S. Eliot, renaîtrait de la mort hivernale, comme le printemps en avril.

Avec cette pièce, Jocelyne Montpetit amorce une nouvelle trilogie sur le thème des Élégies. Ce premier volet n'est pas sans évoquer les catastrophes qui ont affligé le Japon en mars dernier. Non pas que les exemples de dévastation naturelle ou humaine manquent sur la planète, mais l'esthétique et la gestuelle de la pièce s'y réfèrent clairement.

Jocelyne Montpetit a tellement intégré le butô, sur le plan formel et surtout philosophique, tout en y apportant sa personnalité, son histoire, ses références littéraires et artistiques, que sa danse est à la fois complètement représentative du butô et complètement différente, réinterprétée.

Ainsi, dans ses trois pièces précédentes, l'influence du baroque italien était marquée. Dans cette nouvelle pièce, la dramaturgie - de nouveau signée Francesco Capitano - est empreinte d'une théâtralité puissante mais épurée, construite en triangle entre un lit de fer forgé sous lequel sont amoncelés des verres, une sculpture de verre qui porte la trace d'un fossile et des miroirs. Univers fragile et pictural, entièrement monochrome, sur lequel est jetée, dans un des quatre tableaux, la violente tache rouge sang d'une des robes de la danseuse.

Ces jeux d'images et de reflets dans les transparences, dans les lumières feutrées et minimalistes de Sonoyo Nishikawa, qui privilégie les clairs-obscurs à la fois hypnotiques et inquiétants, créent une intranquillité insidieuse. L'ensemble est d'une très grande beauté, fascinante bien que tragique. La musique, signée Arvo Pärt, Louis Dufort et Scarlatti, tour à tour lyrique et alarmante, achève de captiver les sens. C'est beau et triste comme l'espoir ténu de cette femme qui tient les ténèbres à distance avec une simple torche.

Avril est le mois le plus cruel de Jocelyne Montpetit, les 21,22 et 23 septembre à l'Agora de la danse.