Depuis plusieurs années déjà, l'ensemble Mruta Mertsi, dirigé par le compositeur André Pappathomas, expérimente le choeur à géométrie variable en collaborant avec Danse-Cité, dans le cadre de la série Choeur et chorégraphes.

Dans cette nouvelle itération, présentée à l'Agora de la danse la semaine dernière, Pappathomas et les chorégraphes Frédérick Gravel, Jamie Wright, Louise Bédard, Daniel Soulières, Catherine Tardif, Marc Béland et les Soeurs Schmutt font varier plus que jamais les formations du choeur, au sein desquelles viennent s'imbriquer un ou deux danseurs, selon les tableaux. Parfois, le choeur sert de refuge aux danseurs; parfois, sa masse confronte l'être solitaire.

Chanteurs statiques

Parmi les tableaux les plus probants, mentionnons Irgi Itr Gorek, tableau simple et efficace dans lequel Marc Béland devient un chien hurlant à la lune. Le choeur fait office de meute et respire bruyamment, en pas avec le mâle alpha.

Dans Knee 1, le choeur est placé en rangs ordonnés: chaque chanteur, debout sur un tabouret, est éclairé par son propre projecteur. L'effet est saisissant, d'autant plus que l'ensemble domine un petit personnage, Daniel Soulières, qui, espiègle, file tel un lutin entre les choristes qui scandent en canon les chiffres d'un à huit. Étrange et fascinant.

Il arrive que les 16 choristes se scindent en sous-groupes, comme dans Kloccatriklameûte II à V. Les formations en diagonale, en cercle ou en tas alternent pour protéger ou guider une Catherine Tardif vulnérable et changeante. Le chant, soutenu et lent, semble la caresser, la bercer et l'apaiser.

Il reste que les chanteurs, malgré les formations variées dans lesquelles on les place, demeurent assez statiques. Cela dit, dans Fünf Sätze, chorégraphié et interprété par Marc Béland, les choristes chantent couchés, se déplacent par vague et, dans Le chariot des soeurs Schmutt, ils roulent sur le sol et c'est là, vers la toute fin du spectacle, qu'on sent les choristes parfaitement à l'aise, déliés et investis, corps et cordes vocales.

L'ensemble Mruta Mertsi est alors fin prêt pour la finale au son du bluegrass de Where Did You Sleep Last Night de Lead Belly. On est surpris de voir les choristes chanter, mains relevées et poings fermés, jusqu'à ce qu'ils laissent apparaître Frédérick Gravel, titubant parmi eux. On reconnaît alors l'étrange gestuelle caractéristique des dernières créations de Gravel. Et on se rend alors compte à quel point ce type de musique sublime cette gestuelle originale et masculine (c'est le but), surtout lorsqu'elle est jouée en direct.

Une finale enlevée, qui contraste avec les tableaux précédents, à dominante sombre, voire mélancolique.