Une atmosphère et une musique de science-fiction. Un groupe d'individus largués en terrain inconnu: dans la pénombre, un danger les guette... ou se cache-t-il plutôt au sein du groupe lui-même? Gravity of Center, toute dernière création de Victor Quijada, présentée jusqu'au 21 avril à la Cinquième Salle de la Place des Arts, est proprement arachnéenne et mystérieuse.

Soulignons d'emblée que jamais groupe de danseurs n'a si bien rendu, et de façon si homogène, le vocabulaire singulier de Victor Quijada, une agrégation plus que fluide de breakdance, de ballet et de danse contemporaine. Elon Höglund, Emmanuelle Lê Phan, Daniel Mayo, Anne Plamondon et Quijada se font légers et furtifs. La gestuelle, délicatement ouvragée, remplie d'ellipses, de transferts de poids inattendus et d'un phrasé changeant et insolite, se joue sur 360 degrés. On a parfois même l'impression d'un procédé image par image! Malgré cette complexité inhérente, les danseurs semblent se déplacer en apesanteur, tous avec une aisance égale.

Gravity of Center joue le jeu de la dynamique de groupe. Tantôt certains membres sont exclus et parfois ils s'isolent d'eux-mêmes. Tantôt le groupe doit se ressouder pour mieux résister et, alors, Quijada et son équipe se connectent pour former une chaîne humaine aux allures de structure moléculaire. Par ailleurs, si le groupe n'a cessé de se scinder et de se recomposer, ce même conflit semble se livrer à l'intérieur même des corps, mus par cette gestuelle changeante et morcelée, faite d'incessants tiraillements.

Disons que la trame narrative, que Quijada a voulue cette fois minimale, n'est pas des plus originales. On a droit aux inévitables combats de coqs, aux triangles amoureux et aux solos angoissés dont certains frôlent le mélo. Ce qui sauve la donne: un clin d'oeil certain aux films et aux séries de science-fiction (un combat au son des congas renvoie illico à Star Strek, la télésérie originale!) et cette façon si inusitée de bouger, qui rend presque toutes les interactions si peu banales qu'elles sollicitent notre pleine attention. Par ailleurs, certains soli sont tout à fait captivants, notamment ceux dansés par Anne Plamondon ou Elon Höglund, pur mélange de masculinité et de grâce.

Par ailleurs, Quijada a voulu développer autant la courbe dramatique du groupe que celle de ses membres. Or, l'évolution de certains individus se lit moins bien que d'autres, venant inutilement alourdir le propos et freiner le souffle de Gravity of Center. Disons aussi que la fin de l'histoire s'étire indûment; heureusement que la chute, qu'on attend avec impatience à ce moment-là, est d'une justesse remarquable.

_______________________________________________________________________________

Gravity of Center de RUBBERBANDance Group. Jusqu'au 21 avril, à la Cinquème Salle de la Place des Arts