Le chorégraphe britannique Wayne McGregor et sa compagnie Random Dance ont donné une performance musclée et surprenante dans le cadre de la série Danse Danse de jeudi à samedi derniers à la salle Maisonneuve de la Place des Arts.

Le processus créatif du spectacle Entity a été influencé par un projet de recherche que mène Wayne McGregor avec le département de neurologie de l'Université de Cambridge.

Le chorégraphe, féru de science et de technologie, et les chercheurs tentent de cerner les processus cognitifs - mémorisation, échanges d'information, résolution de problèmes, etc. - sollicités dans la création chorégraphique, tant du point de vue du chorégraphe que de celui des danseurs.

Rapidité étourdissante. Tension musculaire constante et attaque féroce. Torses bombés, reins cambrés, colonne serpentine, hanches constamment désaxées et jambes tendues à se rompre. On connaît la sensibilité proprioceptive exceptionnelle des danseurs. Or, la gestuelle créée par Wayne McGregor et ses danseurs pour Entity force l'admiration, tant elle paraît surnaturelle, dans le sens de contre nature. La coordination exigée pour lier les mouvements entre eux et arrimer le haut et le bas du corps est si inattendue qu'elle en est déroutante, mais surtout intellectuellement stimulante, car elle déjoue nos repères et nous force à une observation minutieuse. Ici, le détail est important.

D'autant plus que, malgré les apparences, cette gestuelle n'a rien de robotique. La tension constante des muscles, la fluidité qu'atteignent les danseurs (conséquence des nombreuses heures passées à déjouer les modes habituels de production de la gestuelle, à résoudre les problèmes biomécaniques posés, à s'assurer que chaque danseur adapte la gestuelle à son propre corps, etc.) et les instants furtifs de répulsion et d'agression qui s'insinuent dans Entity rendent le tout très humain.

Les danseurs affichent en outre une attitude gonflée à bloc, extrême, aux limites de l'absurde. Si on a besoin d'images précises, disons qu'ils ressemblent à des oiseaux en pleine parade amoureuse.

Tableaux éphémères

McGregor crée des tableaux qui se métamorphosent sitôt composés. Rares sont les moments d'immobilité, et alors ils tombent à point nommé. Le chorégraphe joue aussi d'effets d'accumulation et de soustraction - également très présents dans l'environnement sonore qui ne cesse de s'amplifier et de se contracter.

Duos et trios se forment et se scindent presque aussitôt pour se reconstituer ailleurs, avec un autre partenaire et sous une autre géométrie. Le chorégraphe multiplie les entrées et les sorties de scène, peaufine la manière dont les sous-ensembles se répondent entre eux. D'ailleurs, dans certains des derniers tableaux, les danseurs semblent se connecter de manière plus significative sur le plan émotionnel, jusqu'à engendrer ici et là d'étonnants microdialogues.

De manière à contrebalancer toute cette activité, la scénographie est des plus épurées: trois pans translucides se transforment parfois en écran vidéo et la lumière, élément apaisant, prend des teintes des plus inusitées, dont le vert-de-gris.

Entity est un spectacle fascinant et surtout déroutant. On espère revoir Random Dance et les expérimentations de Wayne McGregor à Montréal bientôt.