Depuis près de 20 ans, Wayne McGregor est à l'avant-garde de la danse contemporaine anglaise, mais, depuis peu, il est devenu une star adulée en Europe comme à New York. Danse Danse le fait revenir à Montréal avec Entity, qui témoigne de son ardeur à saisir les liens entre le cerveau et la danse.

De son appartement londonien, à peine arrivé de Sydney, Wayne McGregor s'enflamme au téléphone. Il ne cesse d'approfondir ses recherches sur les interrelations motrices entre le cerveau et la mécanique corporelle. Le chorégraphe, qui travaille dorénavant avec le département de neurologie de l'Université de Cambridge, veut être aux premières loges des découvertes sur le cerveau pour pouvoir les appliquer à sa danse. «On sait si peu de choses encore sur le fonctionnement de notre cerveau, dit-il. Les possibilités restent infinies.»

La danse a toujours intégré les découvertes technologiques de son temps. C'était vrai de Louis XIV qui stimula les recherches techniques pour en faire montre dans ses spectacles grandioses; c'était vrai des poulies que l'on a inventées au début du XIXe siècle pour le ballet classique. Wayne McGregor commente: «La danse est un miroir de son temps; c'est son rôle d'inclure les technologies les plus récentes. Ça m'étonne qu'on me demande toujours pourquoi j'utilise le numérique, l'infographie, les dernières trouvailles techniques. Ne font-ils pas partie de notre quotidien?»

Signature unique

Le résultat artistique de ces recherches reste frappant. Genus, créé en 2009 pour l'Opéra de Paris, nous en a convaincus. Cela permet à McGregor de pousser sa danse à l'extrême : extrême vitesse, extrême fluidité, extrême inventivité dans le passage d'un mouvement à un autre ou du geste d'un interprète à celui de l'autre. En solo ou en duo, sa signature est celle d'une urgence fragmentée mais jamais déconnectée. Le tout dans un environnement de sons, lumières et vidéo tout aussi impressionnant.

D'une pièce à l'autre, McGregor travaille avec les mêmes collaborateurs: Lucy Carter aux lumières, Jan Hopkins et Joby Talbot à la musique, Ravi Deepres à la vidéo. «C'est un tout, dit-il. Parfois, je m'inspire de la musique comme point de départ, parfois de la lumière, parfois de la vidéo, parfois du mouvement avec les danseurs.» Les danseurs qu'il choisit sont de plus en plus techniques mais surtout inspirés, et dotés d'une personnalité et d'une vision du monde dont l'acuité transparaît dans leurs mouvements.

Cela est frappant dans Entity, la pièce pour neuf danseurs qu'il vient présenter à Montréal, après qu'elle eut été acclamée sur de nombreuses scènes mondiales depuis sa création au fameux Sadler's Wells de Londres en avril 2008. Une pièce dans un mouvement continu et perpétuel, parfaitement cinétique. Neuf danseurs mouvants comme une seule entité en synergie avec la musique, les lumières, les projections.

La dynamique globale, bien que singulière, rappelle celle de Merce Cunningham. Wayne McGregor confirme la parenté: «J'ai appris l'essentiel auprès de lui. Cunningham a révolutionné la danse justement par sa recherche constante sur les liens entre informatique et danse. Il nous a appris que le sens et l'émotion découlent de l'abstraction du mouvement aléatoire, par-delà lui.»

La manière de Cunningham, c'est aussi de faire fi de sa notoriété. Rock star de la danse, génie, ange ou Nosferatu, magicien: ainsi parlent les médias de McGregor. Invité à créer pour des compagnies étrangères, à assurer la mise en mouvement dans Harry Potter ou à créer des comédies musicales pour enfants (Kirikou pour le Casino de Paris en 2008), le chorégraphe garde la tête froide: «Je travaille, dit-il simplement. Chaque expérience me permet de repousser les limites de ma créativité.»

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Entity, de Wayne McGregor/Random Dance, du 10 au 12 février, 20 h, au Théâtre Maisonneuve.