Coleman Lemieux&Compagnie: un nom bilingue pour une compagnie sise entre Montréal et Toronto, qui se réinvente avec brio à chaque nouveau projet. Cette fois, Bill Coleman et Laurence Lemieux s'adjoignent des grands de la danse, comme Margie Gillis et Carol Prieur, ainsi que l'excentrique orchestre de jazz Sun Ra Arkestra pour Hymn to the Universe, inspiré des écrits du paléontologue et philosophe Teilhard de Chardin.

Organisé en une suite de tableaux, avec des titres comme The Advent of Life, Homonisation ou World in Involution, Hymn to the Universe offre différents points de vue sur l'évolution de l'homme. Une grande part du côté givré du spectacle, volontairement hétéroclite, vient certainement de la participation du Sun Ra Arkestra, un orchestre jazz d'avant-garde, dirigé jadis par feu Sun Ra (qui affirmait venir de Saturne!) et maintenant par le saxophoniste Marshall Allen.

Au-delà de ses excentricités et de sa philosophie inspirée de l'espace, Coleman loue la polyvalence du Sun Ra Arkestra. «Je voulais un groupe qui joue plusieurs genres de jazz. Or, Sun Ra a été formé dans les big band, mais n'a pas cessé de se réinventer. Il a été un des premiers à expérimenter des instruments électroniques en jazz», explique le chorégraphe, qui a pigé dans tout le répertoire du Sun Ra Arkestra, des années 50 à aujourd'hui. «Et ils sont aussi amusants», ajoute Coleman, qui explique que les musiciens confèrent vraiment une alchimie particulière à Hymn to the Universe. «Ils sont super structurés pour mieux jouir d'une grande liberté, particulièrement manifeste dans les transitions entre les tableaux.»

Hymn to the Universe, c'est 15 musiciens et sept danseurs sur scène. Vertigineux? «Autant de monde, c'est toujours apeurant. Mais, si on se laisse influencer par la morosité du milieu de la danse, les problèmes financiers, on passe à côté de quelque chose. Dans 20 ans, je ne me souviendrai pas d'avoir géré mon budget avec brio, mais d'avoir travaillé avec le Sun Ra Arkestra, ça oui!» lance Coleman, qui, avec sa femme Laurence Lemieux, s'assure de réduire au maximum les frais généraux de la compagnie, déménagée de Montréal à Toronto il y a quelques années. «Parce que nos deux enfants étudient à l'École du Ballet National et pour accéder à plus de financement privé», précise Coleman, qui passe encore beaucoup de temps à Montréal.

«C'est difficile, mais notre budget s'est accru, en effet. Nous trouvons aussi des moyens originaux de financer nos projets. Nous nous sommes associés au promoteur qui est en train de réaménager le plus ancien parc de logements sociaux au Canada, Regent Park, là où est situé notre studio. Nous avons présenté une série de performances sur les chantiers de construction, qui témoigne de l'évolution du quartier», explique le chorégraphe, qui aime les projets in situ et partir à l'aventure. «Nous travaillons régulièrement dans des endroits reculés, comme avec les communautés autochtones du nord de Winnipeg. Nous avons aussi amené un groupe de danseurs en Mongolie, dans les montagnes Altai notamment. Tout un périple. On a fait de magnifiques rencontres, avec des chanteurs de gorge notamment. On s'arrêtait au milieu des yourtes pour danser (les habitants étaient fascinés par nos portées!). Ensuite, ils nous montraient leurs danses traditionnelles. Une partie de ce que nous avons créé là-bas se retrouve dans Hymn to the Universe

Hymn to the Universe de Coleman Lemieux&Compagnie, avec le Sun Ra Arkestra, du 1er au 11 décembre, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.