Miroku, c'est le nom du futur bouddha, celui qui viendra lorsque le monde aura atteint l'harmonie. En attendant, Miroku est le titre de la pièce du chorégraphe japonais Saburo Teshigawara, incontournable artiste international, qui revient à Montréal après 10 ans d'absence dans le cadre du Festival TransAmériques.

Le nom de sa compagnie, Karas, signifie «corbeau» en japonais. Fondée en 1985 à Tokyo avec la danseuse Kei Miyata, elle est vouée à la recherche d'une nouvelle forme de beauté. En effet, après avoir étudié les arts plastiques et la danse classique, Saburo Teshigawara s'est mis à la chorégraphie en 1981 avec pour but de dépasser les classifications conventionnelles appliquées à la danse. Il a créé un langage singulier, inclassable, qui se démarque autant de la danse moderne que du butô et explore l'interaction entre mouvement, arts plastiques et musique, en vue d'inventer de nouveaux espaces poétiques.

 

Régulièrement invité en Europe, en Asie, en Amérique et en Océanie avec ses solos et ses pièces de groupe, Teshigawara signe des chorégraphies pour d'autres prestigieuses compagnies, dont le Ballet Forsythe de Francfort, le Ballet du Grand Théâtre de Genève (Para-Dice, pièce que l'on a vue à Montréal l'année dernière grâce à la programmation de Danse Danse), ainsi que pour le Nederlands Dans Theater ou le Ballet de l'Opéra de Paris.

«Danser, c'est jouer avec l'air», dit-il. Sa signature est incomparable. Hypnotique. Le voir en solo constitue une expérience physique autant qu'artistique et spirituelle.

Ses pièces pour groupe proposent un voyage vers des contrées encore inexplorées. D'autant plus qu'il maîtrise tout, concevant l'oeuvre dans sa globalité, des costumes aux éclairages, de la scénographie à la recherche musicale, dans laquelle il se distingue notoirement, au moins autant que dans sa quête inassouvie de l'impact sensitif, presque mystique, de la beauté plastique de ses oeuvres.

Pour ses performances musicales, il choisit des lieux inusités: un entrepôt désaffecté pour Noiject (Noise+Object) en 1992, une centrale nucléaire en 1999, un marché à bétail en Autriche et en Italie en 2002. Enseignant, transmetteur de sa vision unique de la danse, il lance en 1995, à Londres, un projet pédagogique appelé S.T.E.P. (Saburo Teshigawara Education Project), avec plusieurs partenaires anglais.

Ça ne l'empêche pas d'enseigner depuis 2006 au département d'études de l'expression de l'Université St. Paul's (Rikkyo) au Japon, après avoir été un des mentors de la très prestigieuse Bourse Rolex en 2004.

Entre chaos et harmonie

«Le chaos est source de vie, dit-il. Le corps, et l'univers lui-même, n'existent que par une lutte permanente entre le chaos et l'harmonie.» Paroles qui prennent tout leur sens dans Miroku, pièce créée en 2007 et acclamée sur les scènes internationales, qu'il vient nous présenter à l'invitation du FTA. Pour l'artiste, invité deux fois dans le cadre du FIND, c'est un retour marquant après 10 ans d'absence.

Miroku est un solo, son huitième. Sur la scène, épurée jusqu'au vide, Teshigawara devient silhouette, bras et jambes fluides «comme des coups de pinceau», comme il le revendique. Les jeux de lumière transforment sa figure en ombre géante transparente ou sombre. Le décor comme le rythme de la danse changent sans cesse, se livrant une intense bataille. La bataille entre chaos et harmonie, entre ombre et lumière, entre vent et pierre. Comme dans un jardin zen, l'essentiel se trouve dans la relation qu'entretiennent les éléments dans l'espace. Teshigawara propose une méditation en mouvement, colorée et sonore. Une expérience des sens et de l'esprit.

Miroku de Saburo Teshigawara, les 11 et 12 juin, 20h, au Théâtre Maisonneuve.