Ginette Laurin est indiscrète. En effet, dans sa nouvelle création, Onde de choc, présentée, à partir du 28 mai, dans le cadre du Festival TransAmériques, la chorégraphe de la compagnie O Vertigo ne se gêne pas pour mettre ses danseurs sur écoute.

Ginette Laurin n'a cesse de sonder tantôt le côté clair tantôt le côté obscur de l'être humain. Relations intimes, souvenirs, peurs et fantasmes... Si tout cela évoqué avec délicatesse dans des créations qui font toujours la part belle au symbolisme et à l'onirisme on pense à Déluge (1994) ou à La Bête (1997), même si, depuis quelques années, Laurin use d'une imagerie et de méthodes plus directes et réalistes, comme dans Passare (2004) ou Étude #3 pour cordes et poulies.

 

Ainsi, dans Onde de choc, celle qui veut amener les spectateurs au plus près de l'être humain ne s'est pas contentée de mettre ses danseurs sous la loupe, comme elle l'avait fait, en 2001, dans Luna. Non, cette fois, elle pénètre carrément dans leurs corps, à l'aide, entre autres, de stéthoscopes munis de micros qui captent les battements de leur coeur.

Force est de constater que l'idée de sonoriser les corps est loin d'être une nouveauté en danse. «Mais dans mon cas, ce n'est pas du tout un exercice formel, renchérit Laurin. Je ne cherche pas à explorer les différentes façons d'amplifier les sons du corps humain. Cette idée de stéthoscopes n'est qu'un point de départ pour explorer tout ce que le coeur peut évoquer.»

Laurin y va donc d'une gestuelle très énergique qui pousse les coeurs de ses danseurs, dont Rémi Laurin-Ouellette, Chi Long et Robert Meilleur, à battre rapidement. «J'avais d'ailleurs peur que ce soit paniquant d'entendre les battements cardiaques de tout le monde en même temps, mais, au contraire, c'est un son très apaisant», avoue la chorégraphe, qui a confié au compositeur Martin Messier le traitement de ce matériau sonore, ainsi que de celui provoqué par les pas des danseurs qui évoluent sur une immense caisse de résonance.

À ces jeux de rythmes, de pulsations et de vibrations, Laurin allie, d'autre part, une exploration de la symbolique liée au coeur. «En médecine chinoise, le coeur, c'est le trop-plein, l'effervescence, la joie. Côté religieux, on parle de sacré coeur, de coeur brisé... Et j'ai aussi consulté un cardiologue qui m'a parlé des dernières recherches sur les liens qui existent entre les cellules du coeur et celles du cerveau», confie cette passionnée des sciences, qui n'avait pas hésité non plus à s'entretenir avec un astrophysicien lors du processus de création de Luna.

En terminant, Laurin ne peut passer sous silence l'apport du compositeur britannique Michael Nyman à Onde de choc. Le collaborateur de longue date du cinéaste Peter Greenaway et compositeur de la musique du film The Piano de Jane Campion voulait travailler avec Laurin, lui qui assiste régulièrement aux spectacles d'O Vertigo lorsque la compagnie est de passage à Londres! «Il a été très généreux, m'offrant deux ou trois alternatives par section dansée», explique la chorégraphe, visiblement enchantée de ce partenariat, qui ajoute une part très lyrique à l'univers musical d'Onde de choc, contrastant de manière intéressante, selon elle, avec les ambiances électroacoustiques de Martin Messier.

Onde de choc de la compagnie O Vertigo, du 28 au 30 mai à l'Usine C.