Nico Archambault venait à peine de naître lorsque Beau Dommage a fêté ses 10 ans au Forum de Montréal. Un quart de siècle plus tard, celui qui a dansé plus souvent avec Janet Jackson qu'avec Michel Rivard signe les chorégraphies de la comédie musicale Le blues d'la métropole. Et même si Nico Archambault n'appartient pas à la génération Beau Dommage, il connaît la chanson.

Lors de la finale de So You Think You Can Dance Canada 2008, dont il est sorti grand vainqueur, Nico Archambault avait une coupe mohawk. À Tout le monde en parle, où il a charmé le public, il avait le crâne rasé. Et cette semaine, au petit bistro où on s'est rencontrés, il avait une épaisse crinière sous son chapeau mou de feutre noir.

 

Nico Archambault aime changer de look, de musique, d'attitude, de style et de ville. Après un séjour de plus d'un an à Toronto sur le plateau de So You Think You Can Dance, à la fois comme participant puis comme chorégraphe en résidence, Nico Archambault est revenu à Montréal avec sa blonde, Wynn Holmes, danseuse et prof de danse de Vancouver.

Ensemble, ils ont fondé la compagnie de danse Street Parade, en hommage à la chanson des Clash, groupe punk britannique des années 70-80 reconnu pour ses prises de position politiques. Même si le groupe s'est dissous alors que Nico n'avait que 1 an, il est un fan fini des Clash.

Le jour de notre rencontre, il s'était levé en écoutant les Clash, puis il avait enfilé le costume de ses héros musicaux: blouson de cuir noir, chaînes qui pendent de partout, bottes de combat et, pour compléter le tout, sur son avant-bras droit, le tatouage d'un poème qui semble écrit en sanskrit. En réalité, il s'agit d'un extrait d'American Prayer, de Jim Morrison des Doors, que le danseur s'est fait tatouer un jour.

Les Clash, Jim Morrison, les Doors, rien qu'à voir les goûts musicaux de Nico Archambault, on comprend à quelle adresse il loge. Et cette adresse n'est pas le 6760, rue Saint-Vallier de la chanson de Beau Dommage.

Qu'est-ce qu'un ancien punk et fan des Clash vient faire dans l'univers de Beau Dommage? C'est la question à laquelle Nico est confronté tous les jours depuis qu'il a été engagé avec Wynn Holmes pour signer les chorégraphies du Blues d'la métropole. Sa réponse?

«Tout le monde a l'air de croire que je n'ai aucun rapport avec Beau Dommage, raconte-t-il, mais j'ai grandi ici avec des parents qui étaient des fans de musique, y compris des chansons de Beau Dommage. J'ai passé tout mon secondaire à faire la navette entre Mirabel et Montréal et à la radio, dans l'auto de mes parents, les tounes de Beau Dommage jouaient régulièrement. Ma préférée, c'était Le pic-bois. Et contrairement à ce que le monde peut croire, j'ai écouté pas mal plus de Beau Dommage que de Janet Jackson.»

Ambitieux

On sait pourquoi Nico fait référence à Janet Jackson. L'automne dernier, il a reçu l'appel d'un chorégraphe qu'il avait rencontré dans les congrès de danse américains où il donne parfois des séances de formation. Des auditions pour le nouveau clip de Jackson allaient bientôt avoir lieu. Était-il intéressé à y participer? Le danseur a tout de suite accepté. Il a été choisi pour le clip. Puis on l'a rappelé pour participer au numéro d'ouverture de Janet aux American Music Awards, puis pour deux autres performances avec elle à Londres.

À cause notamment des documentaires de tournée de Madonna, de Michael Jackson et de Céline Dion, on a une petite idée du rapport de grande proximité qui lie les danseurs et leur patron du moment. Non seulement les danseurs se retrouvent-ils sur scène tous les soirs avec la vedette, mais ils répètent également ensemble pendant des mois, se fréquentent intensément en coulisse, sortent ensemble dans les restos et les bars.

Pour bien des danseurs, danser pour Janet ou Madonna est un but en soi, voire le rêve d'une vie. Nico Archambault n'est pas tout à fait de cette eau-là. C'est sans doute pourquoi, parallèlement à sa carrière de danseur, il a cherché à mettre en valeur le chorégraphe en lui.

«Malheureusement, trop de danseurs ont l'impression d'avoir atteint un statut parce qu'ils ont dansé avec une vedette internationale. Ils perdent de vue qu'ils ne sont qu'un ti-cul parmi tant d'autres sur scène, et que danser avec Janet ne fait pas d'eux un artiste. Moi, je danse parce que j'aime la danse, pas pour faire de l'argent ni côtoyer des vedettes. Tant mieux si c'est le fun et si c'est payant, mais j'ai besoin de plus que ça pour m'améliorer et élargir mes horizons.»

Nico Archambault est, on le devine, un jeune homme ambitieux qui voit plus loin que ce que lui offre le monde un brin superficiel de la danse commerciale. C'est aussi quelqu'un qui ne s'est pas improvisé danseur du jour au lendemain. Aîné de quatre enfants, il est le fils d'un inspecteur du Service de prévention des incendies à la Ville de Montréal et d'une mère qui dirige une équipe d'analystes financiers chez Desjardins.

À l'âge de 7 ans, il s'est risqué dans un cours de danse à l'école de Louise Lapierre que fréquentait une de ses soeurs. Mais le spectacle de fin d'année, dans lequel il s'est retrouvé le seul garçon en collants dans un numéro de poupées devant une bande de petites filles moqueuses, l'a traumatisé et tenu loin de la danse pendant quelques années.

Il y est revenu à l'adolescence par le truchement du programme danse-études de l'école Antoine-de-Saint-Exupéry à Saint-Léonard, où étudiaient Alexandre Despatie et Émilie Heymans. Mais là encore, Nico a subi quelques revers. Le premier a été causé par une poussée de croissance trop rapide et l'a affligé de la maladie d'Osgood-Schlatter. Pendant des mois, il a ressenti des douleurs aiguës au genou. À cela s'est ajouté l'ostracisme dont il a été victime, étant le seul garçon du programme de danse.

«La première année, je suis fait péter la gueule, taxer, voler des affaires et traiter de tapette. C'est bien simple, j'étais ce qu'il y avait de moins populaire à l'école. J'avais des broches, des lunettes et de l'acné. Les nerds ne m'aimaient pas. Les filles se foutaient de ma gueule pour bien paraître. Les gars n'arrêtaient pas de vouloir me faire avouer que j'étais gai. Je me suis posé bien des questions. La deuxième année, un autre gars est entré dans le programme et lui était gai, ce qui n'a fait que confirmer leurs préjugés.»

Pourtant, à la fin de son secondaire, Nico Archambault avait réussi à amadouer ses ennemis au point que l'après-bal de fin d'études a eu lieu chez lui, exploit dont il n'est pas peu fier. Que s'est-il passé?

«Les gens ont vieilli, se sont ouvert l'esprit et moi, j'ai décidé d'assumer pleinement le fait que je voulais danser et qu'il n'était pas question que je renonce à ce qui était une réelle passion.»

Depuis, Nico Archambault a participé à une campagne canadienne contre l'intimidation à l'école et a même dessiné un t-shirt pour la cause. Depuis, surtout, il a dansé un peu partout, y compris dans plusieurs émissions comme Tout sur moi, Sophie Paquin, La fureur et Star Académie. Il a été, un temps, l'assistant de la chorégraphe Geneviève Dorion-Coupal. Mais depuis quelques mois, le fan des Clash, mais aussi de Jean Leloup, de Groovy Aardvark et de Grimskunk, s'imprègne de l'univers musical de Beau Dommage aux côtés du metteur en scène Serge Denoncourt.

«Beau Dommage, c'est l'histoire de ma mère qui a grandi à Hochelaga dans une famille de 11 enfants, c'est mon passé, mon patrimoine, et j'ai juste à plonger dans l'ambiance des chansons pour que les mouvements et les chorégraphies naissent.»

Pour une fois, Nico Archambault ne dansera pas lui-même, mais cédera la scène à sept danseurs. Il n'a pas renoncé à sa carrière d'interprète pour autant. Tout le contraire. Deux mois après la première du Blues d'la métropole le 31 mars, il retrouvera son coeur de danseur et ses talents d'acteur aux côtés du jeune réalisateur Charles Olivier Michaud dans Sur le rythme, film produit et scénarisé par Caroline Héroux.

L'automne dernier, il a incarné rien de moins que Nureyev dans un téléfilm pour la chaîne Bravo! Cette fois, il interprétera un jeune paumé issu d'un milieu pauvre qui rêve de gagner sa vie comme danseur et qui réalisera son rêve grâce à un... concours. Ce sera la preuve une fois de plus qu'entre The Clash, Janet Jackson, Beau Dommage et Nureyev, non seulement Nico Archambault est un artiste polyvalent, ouvert et ambitieux, mais qu'il a de la suite dans les idées.

Le blues d'la métropole, du 31 mars au 25 avril au Théâtre St-Denis.