Dans Bodies to Bodies III, présentée jusqu'à samedi à l'Agora de la danse, pas de chorégraphie apprise par coeur de A à Z. Sur scène, quatre danseurs, Sophie Breton, Dominic Caron, Frédéric Marier et Soula Trougakos, et cinq musiciens, Marie-Hélène Fournier, Thom Gossage, Philippe Lauzier, Philippe Pannier et Jean René. Ils évoluent, comme Isabelle Van Grimde l'expérimente depuis Les Chemins de traverse en 2005, selon une série de règles préétablies qui les obligent à faire une foule de choix qui influencent la façon dont Bodies to Bodies III se déploie, chaque soir, dans le temps et dans l'espace.

Dans cette création à vif, rien n'est jamais acquis. C'est que Bodies to Bodies III se compose d'une série de blocs malléables, gérés par des interprètes aux aguets, en constante résonance avec les décisions de leurs camarades. Une écoute certes souvent perceptible le soir de la première, mercredi, mais toutefois moins probante que dans Chemins de traverse ou dans Vortex. Est-ce parce que cette fois, d'un bloc à un autre, Van Grimde multiplie tellement les expérimentations, les contrastes de dynamiques et les liens entre musique et danse que cette écoute peine à s'installer et à raisonner de façon plus perceptible?

Cela dit, lorsque la connexion se fait, l'éveil des corps rend la gestuelle imaginée par Van Grimde et ses interprètes plus organique que d'habitude. S'ajoutent à cette connexion épidermique entre les danseurs, et entre les corps et les sonorités qui les enveloppent ou qui les confrontent, des motifs récurrents tout aussi charnels, tels des reins frôlés et cambrés, des torses qui se ploient jusqu'à plus soif, des passages au sol plus fréquents.

Par moment, le vocabulaire n'est pas sans rappeler celui du mythique Faune de Vaslav Nijinsky. Le côté sensuel de Bodies to Bodies III s'accentue aussi grâce aux étranges ronronnements qui émanent régulièrement du saxophone de Philippe Lauzier et qui viennent adoucir un environnement sonore qui se fait parfois plus harassant.

Bodies to Bodies III repousse les limites de l'inusité des interactions entre musiciens et danseurs. Là, l'altiste Jean René domine complètement Frédéric Marier, qui, à ses pieds, courbe l'échine. Ailleurs, alto et saxophone enserrent tellement un couple de danseurs que ce sont les deux musiciens qui leur dictent la direction à suivre. Et que dire du danseur Dominic Caron qui se pose un instant pour observer et écouter, immobile et méditatif, le guitariste Philippe Pannier? Et, grâce à la magie de la technologie - Isabelle Van Grimde collabore avec l'Université McGill -, il arrive même que l'on entende vibrer la peau et les os des danseurs...

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Bodies to Bodies III de la compagnie Van Grimde Corps Secrets jusqu'au 13 mars, à l'Agora de la danse.