Dans la dernière décennie (depuis peut-être Concerto grosso pour corps et surface métallique, 1999), la chorégraphe montréalaise Danièle Desnoyers nous avait habitués à sa recherche sur les possibilités interactives entre mouvements du corps et musique (jusqu'à Play it again en 2005).

Mais aussi, à la suite, à une recherche interactive avec d'autres disciplines, notamment les arts plastiques dans Là où je vis, sa précédente création. C'était intéressant, singulier et pertinent et on aurait fini par en oublier que la constante de son écriture chorégraphique, c'est justement le corps, le mouvement pur, complexe, souverain et toujours livré avec une folle énergie.

Inattendue

Avec sa nouvelle création, Dévorer le ciel, elle y revient en force. Puisque Danse Danse lui a donné carte blanche, elle l'a saisie pleinement, offrant du coup une pièce inattendue. Une pièce pour six jeunes danseurs dont on suit les variations climatologiques intimes, individuelles, duelles ou collectives. La géométrie gestuelle est recherchée, élancée, vive et dansée avec un ressenti communicatif. Ces danseurs-là sont vraiment magnétiques, vibrants, sans économie. Impétueux dans la vitesse, la ludicité et l'exubérance et la pièce n'en manque pas comme dans les passages plus mélancoliques, d'incommunication ou de poésie. Tous ces états émotifs sont tour à tour présents comme différentes saisons de l'émotivité humaine, qui est occasion de contact ou de rejet. Climatologie variable, ciel gris lourd ou orange incandescent, toujours sensible.

Les gars sont particulièrement incroyables. Non pas que les filles le soient moins, mais plutôt que Desnoyers semble avoir tout particulièrement insisté - peut-être justement parce qu'on le fait moins souvent - sur le tricotage inédit d'énergies masculines, dans des duos, et un trio inoubliable. Mais l'énergie et le mouvement sont par essence androgynes et toute la pièce tient à l'improbable harmonie, finalement réussie, des interprètes qui font preuve d'une audace à bouffer les cieux tout cru.

La musique du coup, signée Michel-Antoine Castonguay, est plus en arrière-plan, souligne et accompagne le mouvement, parfois tonal parfois tonitruant, notes de piano ou voix féminines profondes, en accord avec les jeux de lumière. Au final, cette trame sonore accompagne trop ton sur ton la climatologie intérieure des danseurs, en devient une illustration, en un collage assez disparate qui caractérise toute la pièce. Et pourquoi pas? Cela donne une pièce plus légère, ou le mouvement prime, une pièce plus grand public peut-être, et ce n'est pas un défaut. Le défaut vient de l'impression finale d'un certain décousu. Très agréable, très intéressante, avec une énergie rare et d'excellents interprètes et plusieurs scènes magnifiques de beauté plastique, la pièce, finalement, manque bizarrement d'impact.

Dévorer le ciel, du Carré des Lombes, au Centre Pierre-Péladeau jusqu'au 16 janvier, 20 h.