Après la Catalogne en 2008, l'Agora de la danse propose la France comme Destination danse 2009. Avec des chorégraphes qui sont autant de facettes d'un panorama contrasté. Julie Nioche, Pierre Rigal, Nacera Belaza et Fabrice Lambert : quatre univers, quatre esthétiques, quatre fois quatre soirées bleu-blanc-rouge pour montrer le nouveau visage de la danse française.

En danse contemporaine, il y avait jadis, historiquement et artistiquement, grosso modo trois pays: l'Allemagne, la France et les États-Unis, plaques tectoniques qui se répondaient entre elles, jusque vers la fin des années 80. Et puis le monde de la danse s'est réinventé, avec la venue de nouveaux talents, flamands, catalans, québécois, mais aussi bien nord-africains et africains comme sud-américains. C'est ainsi qu'après une décennie creuse, la France connaît une phase de renouveau, possible uniquement par la perméabilité, l'accueil, en son sein, de gestuelles issues d'autres traditions, de savoirs culturels et de visions du monde, étrangères. La danse française affiche donc une santé nouvelle. Avec un visage aussi métissé que lucide, et une critique sociologique et humaniste fortement soulignée.

C'est Anita Mathieu, directrice des Rencontres chorégraphiques de Seine Saint-Denis, qui coproduit cette présentation française des Destinations Danse. Depuis longtemps, elle suit la danse québécoise. Avec Francine Bernier, directrice de l'Agora, elles ont concocté cette concentration sur la France.

Deux femmes, deux hommes

La cuvée catalane 2008 avait présenté quatre femmes de générations différentes. La sélection française propose deux femmes et deux hommes, sensiblement de la même génération. Julie Nioche présente Matter, annoncée comme sa meilleure pièce à ce jour. « Pour créer cette pièce, dit-elle, je me suis déplacée pendant deux ans à la rencontre de trois femmes : une norvégienne, une indo-suédoise et une marocaine. J'ai voulu aller à la source de leur imaginaire, de leur individualité et de leur corps. « Elle-même danse auprès de ces trois femmes, aux corps aussi différents que l'histoire collective et individuelle qu'ils portent, pour leur rendre un hommage à la fois sensuel et dérisoire.

Même si l'écriture chorégraphique et la proposition spatiale sont totalement autres, on ne peut éviter de relier l'esprit de Matter avec celui du Cri de Nacera Belaza, dont le passage à Tangente il y a deux ans avait été remarqué. Ce Cri, dansé par les soeurs Belaza, Nacera et Dalila, a reçu le prix de la Révélation chorégraphique du Syndicat de la Critique français en 2008. Mystique et sensuel, Le cri rappelle la tradition des derviches tourneurs, à part qu'ici les deux danseuses maghrébines, pieds au sol comme coulés dans le marbre, tournent les bras, comme des ailes du moulin de Don Quichotte.

Visages de femmes contestataires et engagées, mais qu'en est-il des hommes? On avait déjà vu Pierre Rigal ce printemps à l'Usine C dans son magique solo Érection. Absolument tout dans la vie humaine est affaire d'érection ou de chute. Rigal revient avec Press, un solo oppressant à souhait, qui confirme l'idée de déploiement de l'être, mais va plus loin encore. Avez-vous déjà rêvé que vous êtes dans une pièce dont les murs rétrécissent à mesure autour de vous? Cauchemar que Rigal fait vivre en direct, enfermé dans une boîte qui rapetisse. Humour tragicomique d'une redoutable efficacité, porté, il faut le rappeler, par son extraordinaire agilité.

Enfin, Fabrice Lambert. Artiste chercheur iconoclaste, il présentera Abstraction et Gravité, deux solos issus de son projet «L'abécédaire», qui regroupe 26 courtes pièces. Abstraction joue avec les éclairages comme pour jouer avec la mémoire de l'humanité, et Gravité explore les forces qui agissent sur le corps, en projetant sur scène un plan d'eau mouvementé.

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Destination Danse: la France, à l'Agora de la danse, deux programmes doubles du 16 au 26 septembre à 19 h et 20 h 30. Info: www.agoradanse.com