Quel sympathique bestiaire que Patchagonia présenté en ce moment à la Cinquième Salle par les Ballets C. de la B., de Belgique.

En guise de décor: un sol craquelé, un tronc pourri et un chicot d'arbre, sous lequel est assis un orchestre, dirigé par Tcha Limberger.

Patchagonia est un no man's land qui grouille de monde, une peuplade de personnages, mi-hommes mi-bêtes, tout droit sortis de l'imaginaire de la chorégraphe Lisi Esteras et de ses agiles danseurs. Des interprètes fascinants, qui multiplient les états de corps extrêmes et inusités, proches de la gestuelle animale.

Nicolas Vladyslav prend des airs de serpent. Une bête effacée et sans colonne vertébrale, au sens propre comme au sens figuré. À ses reptations se mêlent d'étonnantes volte-face (Vladyslav, issu du cirque, se tient sur la tête pour effectuer ces changements de direction: très cool!).

Ross McCormack est plus étonnant encore. Croisement entre l'oiseau et le lézard, il est nerveux et fin finaud. En outre, il parade magnifiquement pour impressionner l'unique femelle du groupe, interprétée par Sandra Ortega Bejarano, sorte d'aigrette tout en jambes. Le grand Sam Louwyck pourrait bien être le seul humain de cet improbable quatuor, à moins qu'il ne soit un peu renard sur les bords.

Grâce notamment à son riche univers sonore, Patchagonia oscille entre des moments planants, où la nature entre en jachère, et des montées dramatiques qui opposent la bête à la bête. Même dans les limbes, il faut établir sa supériorité. Manger ou être mangé, là est la question.

McCormack initie les confrontations les plus mémorables. L'oiseau-lézard fait l'homme (à l'accent néo-zélandais!), pour mieux se lancer dans une superbe attaque, tant gestuelle que verbale, contre Louwyck. Malheureusement, le dénouement est trop prévisible.

Si McCormack se moque ainsi vigoureusement de tous, il tourmente particulièrement le pauvre serpent, l'entraînant à la verticale, avant de le laisser s'écraser avec fracas. Notons que la relation entre McCormack et Vladyslav est particulièrement travaillée, tandis que Louwyck et Ortega Bejarano jouent trop souvent les faire-valoir. McCormack aura, par ailleurs, l'étonnant dernier mot.

Patchagonia fera des heureux parmi ceux qui aiment les productions éclatées et polyglottes, où se mêlent musique live, danse très physique, textes et même chant. Tout à fait le genre des Ballets C. de la B.

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Patchagonia, des Ballets C. de la B. Jusqu'au 18 avril, à la Cinquième Salle de la Place des Arts. Infos: 514-842-2112.