À 44 ans, l'étoile Manuel Legris s'apprête à quitter l'Opéra de Paris, mais n'en a pas fini avec la danse, la passion de sa vie: un prestigieux défi de directeur l'attend au Ballet du Staatsoper et du Volksoper de Vienne à partir de septembre 2010.

Le Ballet de l'Opéra de Paris fera entrer à son répertoire à partir de jeudi l'Onéguine de John Cranko, pour 17 représentations jusqu'au 20 mai dont cinq avec Manuel Legris dans le rôle-titre.

Il a choisi ce ballet en trois actes, qu'il a déjà dansé avec le Ballet de Stuttgart, pour faire le 15 mai ses «adieux officiels à la scène», point d'orgue dans la carrière d'une étoile.

Cette représentation sera précédée du traditionnel Défilé du Ballet, parade rassemblant les 154 danseurs de la compagnie et les 151 élèves de l'Ecole de danse, que Manuel Legris conclura en tant que «doyen» des étoiles masculines de la maison.

«Je trouvais bien que tout le monde soit autour de moi. Le Défilé peut paraître vieillot, mais pour nous c'est toujours un moment particulier», explique-t-il dans un entretien à l'AFP.

Une façon aussi de prendre congé de manière festive avec une maison qui «est un rêve» pour le danseur.

«J'ai dansé tellement de choses ici! On m'a fait rencontrer tant de chorégraphes, de professeurs... La sélection est difficile au départ, mais après on est dans le luxe. On a simplement à donner notre envie, notre disponibilité», dit Manuel Legris.

Le danseur aura passé près de trente ans au sein du Ballet, qu'il a intégré très jeune (en 1980, à 16 ans), après seulement quatre ans d'École de danse.

Doté d'une technique exceptionnelle et d'une élégance de jeune premier, il échoue deux fois au concours de premier danseur, mais fait mieux: le 11 juillet 1986, à l'issue d'une prestation au Metropolitan Opera de New York dans Raymonda, Rudolf Noureev le fait passer directement de sujet à étoile.

«Noureev a été une personnalité marquante pour ma génération. Il nous a donné le sens du métier, nous a fait faire le pas nécessaire pour être étoile. Il nous a vraiment forgés», souligne Manuel Legris, qui ajoutera à son répertoire de nombreux ballets classiques remontés par le maître russe (Don Quichotte, Casse-Noisette, Cendrillon).

Très à l'aise dans le néoclassicisme d'un John Neumeier, d'un Jiri Kylian ou d'un Mats Ek, le danseur peut aussi exceller dans une pièce contemporaine de Trisha Brown.

En janvier dernier, le futur directeur général de l'Opéra de Vienne Dominique Meyer, qui l'a côtoyé à Paris, le nomme à la tête du ballet commun aux Staatsoper (Opéra d'Etat) et Volksoper (Opéra populaire) de la capitale autrichienne.

«Brigitte Lefèvre (directrice de la danse à l'Opéra de Paris, NDLR) m'avait proposé un poste de maître de ballet. Mais on a parfois besoin de faire un break», dit-il pour expliquer son choix.

Le défi l'intéresse: redonner à cette compagnie de 110 danseurs «une identité un peu perdue», avec des tournées, une classe d'étoiles et un répertoire plus ouvert, notamment sur les grands chorégraphes occidentaux. «Aucun ballet de Jerome Robbins n'a été monté là-bas», s'étonne Manuel Legris.

Et qu'adviendra-t-il de l'interprète? «Je sais que c'est la fin du danseur classique», dit-il. Mais dans d'autres répertoires, l'étoile a de quoi faire dans les mois et années à venir: au Japon, en Espagne, en Italie, et probablement comme invité à l'Opéra de Paris.