Point de vierge nue à la Angelin Preljocaj, ni d'accouplement à la Maurice Béjart, ni même de lecture radicale à la Jérôme Bel. Pas la moindre petite odeur de scandale dans Le Sacre du printemps créé par Stijn Celis pour les Grands Ballets canadiens de Montréal. En lieu et place, un feu roulant de danse incisive et une légère trame psychologique.

Plusieurs relectures du Sacre comptent un clan d'hommes et un clan de femmes. Moins ségrégationniste que Béjart ou Bausch, Stijn Celis tente tout de même un rapprochement en inondant son Sacre de duos homme-femme, teintés, croyons-nous, d'une touche de danse sociale. Mais avec Celis, la communion est loin d'être assurée! Les interprètes sont davantage régis par la masse impersonnelle que par quelque lien intime: si d'aventure un seul homme glisse timidement une main le long du dos de sa partenaire, le groupe les ravale aussitôt; l'accouplement n'aura pas lieu.

Contrairement à d'autres, la gestuelle de Celis s'appuie moins sur le côté percussif de la partition de Stravinsky que sur sa charge tonitruante. Peu de démarches qui pulsent donc, mais surtout vélocité, attaque, voire hargne. Même encadré par une foule dense, chacun rage seul, une rage retournée contre soi. En témoignent ces femmes qui, en choeur, se frappent violemment le ventre - un net emprunt au Sacre de Bausch, mais Celis n'en est pas ici à un clin d'oeil près, citant même Nijinski.

La masse des danseurs demeure assez monolithique, mais Celis se permet parfois de la scinder en sous-groupes pour lier chacun d'entre eux à un des courants qui sous-tendent la partition polyrythmique. Sa touche est subtile: ainsi, dans un passage particulièrement foisonnant, on remarque, à travers la foule frénétique, un groupement de deux, strictement attaché à ne suivre que le rythme du tambourin! Cela dit, la masse aura tôt fait de se ressouder... jusqu'à l'impitoyable conclusion.

On regrette que Le Sacre du printemps de Stijn Celis ne soit pas plus audacieux ou que Celis n'ait pas choisi un parti pris esthétique plus tranché. Il en serait peut-être plus mémorable. Cela dit, ce ballet ne manque pas de mordant, d'autant que les danseurs faisaient déjà preuve de plus de souffle et d'abandon dès la deuxième représentation.

Après cette tempête, le calme. En seconde moitié de programme, les GBCM reprennent RE-,II de Shen Wei, un voyage lent et méditatif au coeur du temple d'Angkor Vat. Ici, les corps sont racines et sculptures. On souhaite cependant que les danseurs exécutent les précaires fresques vivantes avec davantage d'aplomb.

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Le Sacre du printemps de Stijn Celis et RE-,II de Shen Wei. Jusqu'au 4 avril, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.