C'est tellement simple qu'il fallait y penser. L'homo sapiens est un mammifère bipède qui a d'abord dû s'ériger pour dominer les autres animaux, puis ses congénères et son environnement. Une histoire qui n'en finit pas de se répéter et dont le Français Pierre Rigal a fait un solo présenté dans le cadre de la quatrième édition nord-américaine du Festival Temps d'images.

Établi à Toulouse, Pierre Rigal vient pour la première fois à Montréal. Belle découverte pour nous: l'artiste affiche une feuille de route aussi originale qu'éclectique, car venu à la danse après deux carrières. La première dans l'athlétisme de haut niveau, comme sprinter classé au niveau national, et stoppée à cause d'une blessure, la seconde, après des études en cinéma (mais aussi en économie mathématique), comme professionnel de l'audiovisuel, notamment réalisateur de clips et de documentaires. La danse, devenue son hobby depuis qu'il avait dû cesser la compétition sportive, prend le dessus avec les années et, en 2001, il devient danseur, notamment pour des chorégraphes reconnus et connus pour être exigeants: le Flamand Wim van de Keybus, le Français Bernardo Montet, le Suisse Gilles Jobin ou le Croate Mladen Materic. Pas mal pour un «amateur»!

 

«J'ai progressivement intégré toutes mes compétences et mes passions, dit-il. Dans la danse, j'ai réuni toutes mes connaissances ou, plutôt, ce sont mes connaissances qui m'ont réuni.» Joliment dit. Il est vrai que les danseurs sont à la fois des artistes et des athlètes, mais Rigal, lui, ajoute d'une part la conception à laquelle l'a habitué son métier de cinéaste, et d'autre part, ses compétences en matière de lumière, d'images et de technologies pour concevoir, chorégraphier, créer les vidéos et interpréter ses propres pièces. La totale.

Malgré tout, on n'est jamais totalement seul et Aurélien Bory demeure son complice depuis le début: «J'ai eu besoin d'un oeil extérieur et j'ai demandé à Aurélien d'être en binôme avec moi pour la mise en scène et la scénographie. Tout comme Sylvain Chauveau et Joan Cambon pour la musique et la conception sonore.» Cela du moins pour ses trois premières pièces - Érection (2003), Arrêts de jeu (2006) et Asphalte (2007) - car le dernier solo Press (2008), il l'a conçu et l'assume seul.

L'homme debout et en marche

À Montréal, il présente son solo Érection. Une pièce dansée dans un rectangle de lumière verte, et portée par la présence subtile de la lumière et des images, conformément au thème du Festival Temps d'images. Dans Érection, Rigal utilise des effets optiques pour figurer l'interactivité permanente entre l'humain et son environnement, mais aussi, de façon subtile, pour suggérer visuellement «le décollement du corps et de l'âme en fin de vie».

Quant au propos, c'est tout simple: c'est l'allégorie de notre épopée à nous, les homo sapiens, depuis le poisson jusqu'à la conquête de l'espace, dans nos comportements individuels, sociaux et humanitaires. Rien de moins. Une évolution de 35 000 ans centrée autour de cette réalité: un humain, c'est un individu debout et en marche. Pierre Rigal explique: «L'érection de notre colonne vertébrale, mais aussi de l'évolution d'un âge à l'autre, d'un stade social à un autre, d'un niveau de civilisation et de culture à un autre, d'un savoir vers un autre, autant d'avancées, autant de chutes aussi, où sans cesse, au niveau individuel ou collectif, l'humain se lève puis retombe, se lève, se couche, se relève et tombe encore. C'est pourquoi ma pièce tourne exactement autour de ce geste fondamental: c'est un homme, seul, qui réfléchit à comment s'ériger, il se trompe, il recommence et il poursuit sans connaître le but final de tout ça.» Un univers de haute sophistication technologique qui n'en est pas moins poétique.

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Érection, de Pierre Rigal et Aurélien Bory, à l'Usine C du 25 au 27 février, dans le cadre du Festival Temps d'images.