Pour marquer les 25 ans d'O Vertigo, Ginette Laurin reprend La chambre blanche, 17 ans après sa création. Présenté à la Cinquième salle de la Place des Arts, à partir du 12 février, ce huis clos dans un hôpital psychiatrique subit une cure de rajeunissement: nouvelle trame sonore, nouveaux éclairages et une majorité de nouveaux danseurs, qui plongent avec abandon dans ce lumineux cauchemar.

En 1989, alors que Ginette Laurin et ses danseurs jettent les bases de ce qui deviendra La chambre blanche, un homme entre à l'École polytechnique et tue 14 femmes. «À l'époque, cet événement nous avait terriblement influencés parce que j'explorais justement cette ligne très fine entre le contrôle de soi et la perte de contrôle, la folie aussi», se souvient Ginette Laurin.

 

Et voilà qu'en 2006, alors que Laurin ravive un projet de film basé sur La chambre blanche, Kimveer Gill fait irruption au collège Dawson. La chorégraphe est plus convaincue que jamais de la pertinence de La Chambre blanche: elle en fait non seulement une version filmée - qui sera présentée notamment sur ARTV, Bravo et au Festival international du film sur l'art 2010 - mais décide aussi d'y aller d'une nouvelle version scénique.

La recréation est au coeur même d'une discipline comme le théâtre ou même le ballet. Mais l'exercice demeure rare en danse contemporaine, particulièrement au Québec, malgré certaines exceptions, dont Marie Chouinard et Margie Gillis. «C'est parce que les jeunes chorégraphes ont surtout envie de créer, d'aller de l'avant, souligne Laurin. Et ça coûte de l'argent, remonter une pièce! Il faut souvent reconstruire le décor, les danseurs changent... C'est aussi plus difficile de s'allier des coproducteurs, qui cherchent la nouveauté. Il faudrait un soutien particulier pour nous inciter à remonter des chorégraphies...»

Pas de copie conforme

Cela dit, en recréant La chambre blanche, Laurin n'a pas l'impression de regarder en arrière. Les vidéos de la première version sont vite remisées: il est impératif que la fêlure de chacun des personnages colle aux nouveaux interprètes. Ainsi, 14 des 18 tableaux de La chambre blanche sont renouvelés. «La fin est d'ailleurs plus grave que dans la version originale», avoue la chorégraphe, découragée qu'une tuerie comme celle de Polytechnique se reproduise encore aujourd'hui.

Laurin a demandé à chacun de ses danseurs de se composer un personnage: pourquoi est-il dans cet hôpital psychiatrique? Quel âge a-t-il? A-t-il des tics? Quels médicaments prend-il? «C'est rare que des danseurs aient à se créer un backstory, explique Laurin, mais ici, par exemple, la médication influence la gestuelle de chacun, qui sera alors nerveuse ou engourdie.»

Mère et fils

Parmi les nouveaux «fous» de La chambre blanche, il y en a un qui grimpe littéralement aux murs: Rémi Laurin-Ouellette, le fils de Ginette Laurin, a décidé de mettre sa longue expérience en escalade au service de son personnage!

Le jeune homme de 27 ans a les mêmes pétillants yeux noirs que sa mère. Et tous deux partagent un passé d'enfant boute-en-train qui les a poussés vers la danse. «J'adore quand ça déménage. Il faut que ça bouge!» lance Laurin-Ouellette.

«C'est ma mère qui m'a suggéré de passer les auditions pour entrer à LADMMI (l'école de danse contemporaine, ndlr); moi, je m'intéressais plutôt au théâtre ou au cirque», avoue l'interprète, qui a commencé ses classes de danse à 23 ans, sans aucune expérience préalable. Même si votre mère s'appelle Ginette Laurin, le défi est de taille...

Paradoxalement, Laurin a été, un instant, déçue que son fils suive ses traces. «C'est qu'en théâtre, on peut travailler jusqu'à 80 ans; en danse, la carrière est courte et la vie, difficile. Mais ce sont là des réflexions de mère (rires)!. Je suis très fière de lui. De toute façon, il fait de la musique, de l'ébénisterie, de la photo... Il a tellement de cordes à son arc.»

Ont-ils peur d'être soupçonnés de favoritisme? «C'est peut-être plus difficile pour Ginette que pour moi», avoue le fils. Sa mère renchérit: «Je veux que mes danseurs sentent que j'ai la même approche ouverte avec chacun. Cela dit, en studio, j'oublie que c'est mon fils.»

La chambre blanche d'O Vertigo, du 12 au 28 février, à la Cinquième salle de la Place des Arts.