Danse-Cité a donné carte blanche à Naomi Stikeman pour monter son propre projet artistique. Mais que peut bien créer une danseuse qui fut muse d'Édouard Lock et danseuse de soutien dans l'aventure A New Day de Céline Dion, à Las Vegas? Réponse: Çaturn, une production ambitieuse, aux esthétiques bigarrées, qui louvoie entre la danse et le film. Un spectacle déroutant, tout en tendresse, sur la vieillesse et le temps qui file.

Au coeur de cette fable impressionniste, trois femmes: une vieille dame fragile (subtile Janine Sutto), sa petite-fille Sophie (incarnée par... une minuscule poupée!) et Chanelle, leur excentrique coiffeuse au grand coeur, jouée tel un personnage de Michel Tremblay par Frédérike Bédard. Elles n'existent en gros que sur pellicule. Parfois, cependant, une émotion ou un détail particulier tiré d'une scène se matérialise tout à coup, en direct, à travers les corps de la gracile Stikeman et du chirurgical Peter Chu. Par ailleurs, ces passages entre film et direct, bien rythmés, sont prétextes à d'amusantes ruptures esthétiques qui ajoutent à la facture visuelle du spectacle.Çaturn recèle des répliques mémorables. «Quand je portais ta mère dans mon ventre, elle avait déjà en elle l'ovule qui deviendrait un jour toi, ma Sophie... On dirait que les femmes peuvent remonter le temps», confie Sutto à sa petite-fille. Ou encore Chanelle qui s'exclame, en observant la pointe des cheveux de Sophie, jamais coupés depuis la naissance: «Mais, oui! C'est les mèches blondes de ton enfance...». Puis, un coup de ciseau, et fini l'enfance.

D'ailleurs, ce spectacle regorge d'images capillaires, tellement que les cheveux sont un personnage en soi. Ils symbolisent le temps qui passe, sont prétexte à rapprochements et servent souvent de fil conducteur entre le film et le direct.

Reste que la portion filmée, qui révèle la relation toute maternelle entre Chanelle et Sophie ainsi que l'émouvant déclin du personnage incarné par Janine Sutto, captive davantage que les passages en direct, dont certains se révèlent même un peu superflus.

Cela dit, Stikeman et sa vaste équipe de solides collaborateurs, dont Crystal Pite, qui signe certaines des chorégraphies, Alexander McSween à la musique et Lucie Bazzo aux éclairages, font de Çaturn un spectacle tout à la fois grave, tendre, émouvant et drôle.

Çaturn de Naomi Stikeman. Jusqu'au 15 novembre, à l'Usine C.