La semaine prochaine, Sidi Larbi Cherkaoui, révélé au public montréalais en 2003 avec son inoubliable Foi, interprété par Les Ballets. C. de la B., est de retour à Montréal pour lancer la 11e saison de Danse Danse. Myth, une production du théâtre Toneelhuis d'Anvers, promet un nouveau foisonnement de textures, de sons, de couleurs et de questions identitaires, sublimé par la musique médiévale de l'ensemble Micrologus.

En 2000, Sidi Larbi Cherkaoui n'a qu'une vingtaine d'années, mais il se forge déjà une place dans les annales de l'influente danse flamande en créant Rien de rien (prix Nijinski du chorégraphe émergent à Monte-Carlo, en 2002). Dire que cet enfant chéri de l'avant-garde belge, longtemps membre des Ballets C. de la B., a commencé comme back-up dancer à la télé! «J'ai été repéré, ado, dans un concours d'imitation de vedettes pop. J'allais à l'école le jour et le soir et les week-ends, je dansais dans des émissions de variétés», raconte Cherkaoui, qui a tâté du hip-hop, de la claquette et de la danse classique, avant d'entrer, à 19 ans, à la prestigieuse école de danse contemporaine P.A.R.T.S. d'Anne Teresa de Keersmaeker.

 

Rien d'un puriste

De toute façon, comme bien des chorégraphes de sa génération, dont plusieurs en sont venus à la danse contemporaine par le biais des arts martiaux, du hip-hop ou de la danse de club, Cherkaoui n'a rien d'un puriste. «Déjà que je suis moitié marocain, moitié belge...» Ses créations, perméables à maintes cultures, époques et styles, emploient indifféremment danseurs de tous horizons, comédiens ou chanteurs. De plus, il crée en procédant davantage par collage, en juxtaposant des images fortes et des archétypes, laissant ainsi au spectateur des espaces de liberté dans lesquels il pourra aisément se projeter.

En outre, tels Benoît Lachambre ou Akram Khan, Cherkaoui multiplie les collaborations pour pallier un sentiment d'isolement. «Nous sommes une génération de chorégraphes individualistes. On nous a tellement répété qu'il nous fallait trouver notre propre voix, notre propre manière de bouger, qu'on se disperse et maintenant plus rien ne nous relie», déplore Cherkaoui, qui se réclame sans ambages de la tradition du Tanztheater. Deux de ses danseurs, Damien Jalet et Christine Le Boutte, l'initient à la musique ancienne et aux chants polyphoniques. Cherkaoui et Khan, chorégraphe anglais d'origine bengale, explorent ensemble leur héritage mixte dans Zero Degrees. Récemment, Cherkaoui s'est même rendu en Chine, pour créer Sutra avec des moines Shaolin. En 2002, le chorégraphe a collaboré avec des handicapés mentaux pour Ook: deux d'entre eux, Marc Wagemans et Ann Dockx, comédiens trisomiques, sont maintenant de la distribution de Myth.

Démons intérieurs

Dans Myth, Dockx interprète une nonne si dévote, si radicale, qu'elle en devient presque diabolique. Il y a aussi, notamment, la vieille dame suicidaire, le transgenre ou l'intello athée. Ici, tous les personnages sont aux prises avec des traumatismes issus de l'enfance qui les obligent à se confronter à leur part d'ombre. Si Foi était traversé par les anges, Myth passe du côté des démons intérieurs et puise à une multitude de croyances et de mythes, tant païens que religieux. «Les psychologues utilisent parfois le mythe pour montrer aux patients que leur histoire n'est pas personnelle, mais bien universelle. Du coup, ils ne se sentent plus aussi seuls», explique Cherkaoui, qui avoue avoir d'abord créé Myth, en 2007, pour se confronter à sa propre part d'ombre. «Tous ces problèmes me sont, d'une certaine manière, passés par la tête. Ils sont universels.»

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Myth du théâtre Toneelhuis d'Anvers, les 10 et 11 octobre, à la salle Maisonneuve de la Place des Arts.