Ils font leur apparition sur une plateforme de bois de six mètres sur six suspendue dans les airs. Pendant 60 minutes, ce sera leur aire de jeu. Après s'être légèrement abaissée, la plateforme commence par tourner. Doucement, puis de plus en plus vite.

«Ils», ce sont les six interprètes de Celui qui tombe. Trois garçons, trois filles. Ils défient les forces de la gravité (centripètes, centrifuges, comme vous voudrez). Ils posent, courent, se tiennent la main, se dépassent, se bousculent, s'entraident, avancent, reculent, reviennent au centre. Se penchent par en avant, par en arrière...

Leur objectif, vous l'aurez compris: éviter la chute. Ironiquement, Celui qui tombe est une suite de chutes ininterrompue.

Le premier segment de cette création de Yoann Bourgeois donne le ton - et le tournis. Mais les images créées dans ces jeux d'équilibre sont saisissantes et périlleuses. On assiste ici à une chorégraphie parfaitement calculée, interprétée avec virtuosité par cette petite troupe française qui mêle avec justesse acrobatie et danse.

La plateforme manipulée à vue se mettra plus tard à tanguer. Forçant les interprètes à s'ajuster aux mouvements du dispositif scénique. Lorsque deux des interprètes décident qu'ils veulent s'asseoir sur le rebord de la plateforme, tous les autres doivent évidemment se positionner au bon endroit pour ne pas basculer.

À un moment, la scène s'élèvera d'un côté jusqu'à ce qu'elle soit complètement placée en position verticale!

Les hauts et les bas

La musique ponctue certaines scènes, mais les créateurs ont pris soin d'imposer le silence dans de nombreux tableaux. Oui, parfois, c'est un peu répétitif, il y a aussi une lenteur dans certains segments - et de nombreux ajustements techniques parce que le dispositif prend beaucoup de place -, mais on a quand même l'impression que ce groupe nous mène chaque fois un peu plus loin dans sa quête.

À vous d'interpréter comme vous voudrez ce délicat équilibre des forces à trouver, à inventer. Mais dans tous les cas de figure, le groupe est toujours le plus fort sur cette plateforme aux allures de manège indomptable. Superbe métaphore des hauts et des bas de la vie sur laquelle on a parfois peu de prise. Encore plus quand on est seul.

Le dernier segment de Celui qui tombe boucle la boucle, les six interprètes entonnant une pièce en choeur. Encore une fois, les interprètes se prêtent au jeu avec une habileté déconcertante. Toujours avec cette plateforme qui tangue, qu'ils esquivent avant de l'escalader. Un ballet magnifique qui explore tous les points de vue d'une aventure qui risque de mal virer à tout moment.

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Celui qui tombe. De Yoann Bourgeois. Du Centre chorégraphique national de Grenoble. À la TOHU jusqu'au 17 mars.

PHOTO GÉRALDINE ARESTEANU, FOURNIE PAR LA TOHU

Les interprètes de Celui qui tombe ont comme aire de jeu une plateforme de bois suspendue dans les airs.