On attendait Benoît McGinnis de pied ferme dans le rôle-titre de L'homme éléphant. Le comédien réussit son pari. Prodigieusement.

La pièce de l'Américain Bernard Pomerance raconte la vie de Joseph Merrick, «l'homme éléphant», mort en 1890. Merrick souffrait du syndrome de Protée, ce que la médecine ignorait à l'époque. Difforme, il a passé ses dernières années à l'abri des regards à l'Hôpital de Londres sous les soins du docteur Frederick Treves.

Écrit il y a 40 ans, le texte de Pomerance parle de la souffrance d'un homme intelligent, occultée par un lourd handicap physique. Beaucoup de gens ont exploité l'homme éléphant durant sa courte vie de 27 ans, y compris les foires, le clergé et les instances hospitalières, mais peu l'ont vraiment écouté et compris, comme le Dr Treves et la comédienne Madge Kendal (excellents David Boutin et Sylvie Drapeau). 

Évidemment, c'est Joseph Merrick lui-même (Benoît McGinnis) qui est au centre du drame. Le comédien réussit une performance physique et émotive époustouflante. Il le fait sans maquillage, en adoptant une posture difficile qui risque de laisser des séquelles sur son corps. On reconnaît là un acteur qui se donne à fond dans tous ses rôles.

Le pari de la sobriété

Le plus beau dans cette histoire, c'est justement la sobriété de l'interprétation et de la mise en scène. Dans certaines scènes, Merrick est à l'arrière-plan, mais sa présence se fait toujours sentir. Jean Leclerc a compris que rien ne servait ici de sombrer dans la démesure. Le texte, sans relief et d'un style démodé, ne le commande pas.

La scénographie d'Olivier Landreville est très belle, reprenant des éléments des combles de l'hôpital où Merrick a vécu. La distribution de soutien assume bien son rôle également. On soulignera le professionnalisme de Germain Houde (qui avait joué l'homme éléphant au TNM en 1982), qui a repris jeudi son monologue d'ouverture après un terrifiant trou de mémoire.

La vie de l'homme éléphant renferme quelques messages intéressants pour notre époque où l'on juge les apparences et l'on vénère les physiques parfaits. Elle nous parle de compassion et de dignité humaine, ainsi que du respect de la différence.

En ce sens, l'interprétation de Benoît McGinnis, qui ne cherche jamais l'épate, est aussi exemplaire. Il est vrai que les personnages insolites poussent souvent les interprètes à se surpasser. Mais le comédien s'y prête avec une grande sensibilité et une grande finesse, sans verser dans l'excès. Le voir passer de Caligula à L'homme éléphant en moins d'un an nous donne encore une fois toute la mesure de son immense talent.

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L'homme éléphant. De Bernard Pomerance. Traduction et mise en scène de Jean Leclerc. Au Rideau Vert jusqu'au 3 mars.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Benoît McGinnis et David Boutin dans L'homme éléphant