L'adaptation des Conversations avec un enfant curieux de Michel Tremblay donne lieu à une pièce plus drôle, mais moins aboutie qu'Encore une fois, si vous permettez, chez Duceppe.

La nouvelle pièce de Michel Tremblay commence sur les chapeaux de roues. La magnifique scénographie d'Olivier Landreville - des milliers de pages de livres empilées en formant des dunes et un écran géant montrant un ciel et une mer infinis - met la table de formidable façon. 

Michel Tremblay (Henri Chassé) est justement assis chez lui à Key West. Il écrit. Les personnages issus de son passé viendront à l'avant-scène - aux allures de boardwalk - répondre aux questions de ce grand enfant à la curiosité insatiable.

Les premiers dialogues sont savoureux, rythmés. Michel veut tout savoir, et encore plus, de sa mère, Nana, de son père Gabriel, de sa grand-mère Victoire, de son amie Ginette, de sa maîtresse d'école et de la soeur directrice. Tous et toutes finiront excédés de tant de pourquoi sortant de la bouche de cet enfant brillant.

La religion, le cinéma, la sexualité... rien n'échappe à la petite tête effervescente de Michel Tremblay. Des questionnements pertinents, même si, parfois, ils reflètent une époque qu'on voudrait révolue.

L'essentiel, on le comprend assez vite, c'est que tout l'imaginaire et la théâtralité du grand auteur se trouvent dans la langue, l'intelligence, la truculence de vraies personnes/magnifiques personnages qui ont nourri son oeuvre.

Les interprètes excellent. Henri Chassé affiche une candeur et une obstination attachantes en Michel. Guylaine Tremblay continue de camper une Nana lumineuse. Méconnaissable est Sylvain Marcel dans le rôle du père et, suave, Danielle Proulx dans celui de la grand-mère.

Les autres acteurs de soutien jouent également à merveille. Isabelle Drainville, dans le rôle d'une maîtresse d'école, mademoiselle Karli, au bord de la crise de nerfs, suscite, avec raison, des applaudissements chaleureux.

Puis, le rythme s'essouffle. Difficile de le maintenir pendant 1 h 50, direz-vous, mais justement, les dernières «apparitions» de la grand-mère et du père nous sont apparues quelque peu superflues. Ainsi, les rires du début s'étiolent et l'émotion n'est pas toujours au rendez-vous par la suite.

Plus la pièce avance, plus les liens entre les personnages colorés se relâchent. Peu à peu, les scènes qui s'appelaient l'une l'autre, au début, deviennent des saynètes sans ligne dramatique. Les personnages entrent et sortent dans un procédé devenu trop répétitif.

La fin n'est guère satisfaisante non plus. Jusque-là majestueuse, Guylaine Tremblay joue à côté de sa Nana et l'insistance du texte sur le mot «insignifiant» devient justement... insignifiante. 

Cette pièce n'a pas la force ni l'envergure d'Encore une fois, si vous permettez, entièrement dédiée à la figure plus grande que nature de Nana. Ce n'est pas tant l'écriture qui est en cause ici, à notre avis, qu'une adaptation qui aurait demandé un peu plus d'attention.

* * * 1/2

Enfant insignifiant! De Michel Tremblay. Adaptation et mise en scène de Michel Poirier. Chez Duceppe jusqu'au 3 février.

photo Caroline Laberge, fournie par la production

Guylaine Tremblay, Sylvain Marcel et Henri Chassé dans Enfant insignifiant!