Ils étaient des stars de l'humour pendant les années 80 et ça tombe bien: cette décennie n'a jamais été autant à la mode.

Dans leur nouveau spectacle, présenté jeudi et hier au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, Daniel Lemire et Pierre Verville sont réunis sur scène pour la première fois depuis une trentaine d'années, et ça leur va plutôt bien. 

Ils unissent aussi leurs forces, dans une mise en scène de Denis Bouchard, pour offrir une forme d'humour qu'on voit peu, alors qu'on est en pleine domination du stand-up pur et dur à l'américaine, c'est-à-dire un enchaînement de sketchs où sont conviés le talent d'imitateur de Verville et les personnages mythiques du répertoire de Lemire.

Ça colle très bien entre ces deux-là, malgré les années qui ont passé. Et ils proposent un style certes vintage, mais paradoxalement différent dans le paysage humoristique.

Dans ce show où l'actualité est reine - elle a toujours été leur terrain de jeu de prédilection -, Lemire et Verville s'attaquent aux sujets de l'heure, et des plus sensibles : les affaires Rozon et Salvail - puisque le milieu artistique a beaucoup changé, «surtout ces dernières semaines», souligne Lemire.

«Gilbert Rozon engageait du monde de sa famille, on appelait ça le clan Rozon. Quand il est seul, c'est le gland Rozon», Daniel Lemire, en spectacle.

Sur Salvail, que Verville imite bien, les humoristes se disent que personne ne voudrait être dans ses culottes en ce moment. «Lui non plus: il n'était pas souvent dedans», lance Lemire, un as de la réplique cinglante. Il résume la chose ainsi: «Un harceleur au travail, c'est-tu ça qu'on appelle un animal de compagnie?»

Yvon Travaillé, Oncle Georges... et Justin Trudeau

Les numéros s'enchaînent très rapidement. Un bulletin d'information de TVA nasillé par Verville en Pierre Bruneau revient sur les inondations à Montréal, avec une apparition de Denis Lévesque. Yvon Travaillé, le fonctionnaire à la langue fourchue de Lemire, aborde le «fléau» - «Pardon, le flot!» - des immigrants arrivés à nos frontières à l'été et rappelle que plusieurs «devront repartir à zéro, et même sous zéro certains mois». 

Maurice, l'énervé en permanence, visite une succursale de la SAQ en pestant contre les embouteillages à Montréal et la carte Inspire, «qui fait sauver sept cennes du 100 piasses», estimant que ramener les bouteilles serait plus payant.

En deuxième partie, le duo sort les gros canons, Verville imitant un Justin Trudeau incompréhensible dans sa description enthousiaste du Canada lors d'un fictif G7 où Rambo Gauthier viendra faire son tour avec une batte de baseball. 

Arrive Oncle Georges, qui vaut à Lemire de fortes acclamations de la salle. Il dira à Rambo Gauthier: «Tu m'as l'air d'un Gabriel Nadeau-Dubois qui n'est pas allé à l'école.» Une seule déception: ce personnage adoré n'est pas assez exploité dans ce spectacle. 

Quand on pense qu'Oncle Georges était déjà dépassé il y a 30 ans par la génération Passe-Partout, qu'est-ce que ça pourrait donner avec les milléniaux?

Ronnie (Lemire), toujours aussi gelé, lance, comme on s'en doutait, son Café Cannabis «Anesthésie Locale», où c'est «le monde qui fume pas qui vont devoir se mettre à neuf mètres de la porte», et discute avec Claude Poirier (Verville) d'un projet pour contrer le pot au volant, un genre «d'opération yeux rouges». 

Ça se termine en grand avec Alain Bélisle, animateur de La voix sénior, un numéro qui permet à Verville de briller dans ses imitations de Sting, Aznavour, Charlebois, etc.

Malgré des sketchs parfois inégaux (celui du médecin de famille, entre autres), le show Lemire Verville, c'est surtout des retrouvailles entre deux amis dont la chimie opère toujours, et encore plus avec un public de fans de la première heure, visiblement très heureux de les revoir. Une jolie surprise.

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Lemire Verville. De Daniel Lemire et Pierre Verville. Mise en scène de Denis Bouchard. En supplémentaire au Théâtre Maisonneuve le 21 avril 2018 dans le cadre d'une tournée québécoise.