Il suffirait de presque rien, peut-être 60 années de moins, pour qu'elle lui dise « je t'aime ». Lorsqu'on pense au film culte Harold et Maude, la musique de Cat Stevens nous revient en tête, mais aussi la chanson de Serge Reggiani. Si quand on aime, on a toujours 20 ans, une femme beaucoup plus âgée que son amant demeure taboue en 2017, comme en 1972, l'année de la sortie d'Harold et Maude au cinéma.

Toutefois, la pièce qu'en a tirée son scénariste Colin Higgins, au début des années 70, n'est pas seulement une ode à la différence d'âge dans la couple. C'est un hymne à la vie et aux valeurs de cette période marquée par la guerre du Viêtnam : le pacifisme, la justice, la liberté, le communautarisme...

L'histoire d'Harold et Maude est aussi la rencontre de deux solitudes. Harold, 19 ans, issu d'une famille riche, conservatrice et aisée, est fasciné par la mort. Durant ses (nombreux) temps libres, le jeune homme fait toutes sortes de mises en scène de son suicide.

À l'inverse, Maude a 79 ans, presque 80, et déborde de vie ! (Dans l'adaptation de Duceppe, on lui a donné, inutilement, 10 années de plus ; sans doute parce que Béatrice Picard est plus vieille que son personnage, même si l'actrice ne fait pas du tout son âge.) Maude est un esprit libre, une artiste proche de la nature, et une femme qui conteste le pouvoir et l'autorité - c'est une comtesse juive qui a connu les camps !

Le jeune homme qui ne croyait pas à l'amour deviendra vite amoureux de cette femme pas comme les autres. (La pièce est plus chaste que le film quant à la nature de leur relation.) Harold ira jusqu'à faire la grande demande, mais Maude voit les choses autrement...

Drôle et touchant

Chez Duceppe, la mise en scène rythmée d'Hugo Bélanger penche vers la comédie légère, au détriment de l'humour noir et du message social. Les personnages secondaires sont souvent traités à gros traits, frisant un peu le cabotinage. Mais, suivant les conseils de Maude, on ne boudera pas notre plaisir... La vie est trop courte.

En Maude, un rôle qu'elle dit rêver de jouer depuis longtemps, Béatrice Picard met toute sa vivacité pour incarner une vieille femme libre, colorée et rayonnante. Pas du tout indigne. Si la comédienne force la note, par moments, son impudeur comme sa folie nous touchent assurément.

Dans la peau d'Harold, Sébastien René est extraordinaire. Son jeu toujours précis nous captive du début à la fin de la représentation. Ce jeune acteur peu connu est extrêmement doué. Il rend avec justesse chaque ligne qu'il livre sur scène. Sébastien René est voué à jouer de grands rôles du répertoire : Hamlet, Bérenger Ier, par exemple. Mentionnons aussi la belle prestation de Danielle Lépine dans le rôle de madame Chasen, la mère terriblement égocentrique d'Harold.

***1/2

Harold et Maude

De Colin Higgins

Mise en scène de Hugo Bélanger

Chez Duceppe, jusqu'au 13 mai