« Ces bottes sont faites pour marcher », chantait Nancy Sinatra. Quatre décennies plus tard, les bottes de Cyndi Lauper et d'Harvey Fierstein sont faites pour triompher à Broadway. Et le duo derrière le succès de Kinky Boots a trouvé chaussure à son pied.

Gagnant de six Tony Awards, dont le prix de la meilleure comédie musicale, en 2013, Kinky Boots est aussi touchant que réjouissant. Le musical, en tournée nationale et présentée jusqu'à dimanche soir à Montréal, est inspiré d'une histoire vraie en Angleterre (qui a aussi fait l'objet d'un film). 

Le récit gravite autour des déboires de Charlie Price, unique héritier d'une manufacture de chaussures à Northampton. Price & Son fabrique des souliers pour hommes depuis quatre générations. Toutefois, Charlie n'a pas la bosse des affaires. ll mène l'entreprise familiale au bord de la faillite. 

En visite à Londres, le destin met sur son chemin Lola, une drag-queen aussi flamboyante que déterminée. Contre toute attente, Lola l'aidera à relancer son entreprise, avec un nouveau modèle d'affaires : une collection de cuissardes à talons aiguilles faites sur mesure pour les travelos ; conçues pour elles, mais assez fortes pour lui.

Le sexe est dans le talon

Si le spectacle met du temps à démarrer, l'action lève avec force au milieu de premier acte, lorsque Lola et ses « anges » entrent en scène. Ce choeur de travestis (aux jambes plus hautes que l'Everest !) entame l'excellent numéro Sex is in the Heel. Et le spectacle devient alors sulfureux, aidé par les spectaculaires chorégraphies de Jerry Mitchell, les costumes splendides de Gregg Barnes, ainsi que l'ingénieux décor de David Rockwell.

Bien entendu, la rencontre entre ces deux mondes, les drag-queens et les ouvriers de province, provoque plusieurs étincelles. Ensemble, Charlie, le straight, et Lola, la « folle », forment un duo improbable. Or, ils finiront par s'apprivoiser et réaliser que, sous leurs différences, se cachent des similitudes et de mêmes blessures ; comme leur relation trouble avec leur père. 

Par-delà les stéréotypes et les préjugés, Kinky Boots livre donc le message, très louable, de l'acceptation et de la diversité. Néanmoins, le livret de Fierstein appuie un peu trop sur la pédale de la morale. Et tombe par moments dans le mélo. 

Un exemple ? Le numéro où Lola interprète un hymne à l'amour dans un foyer devant son vieux père en fauteuil roulant... C'est comme voir Mado dans un CHSLD !

Heureusement, avant la tombée du rideau, l'électricité, la paillette, le strass et les plumes succèdent aux bons sentiments. La distribution exécute alors un numéro de haute voltige ! Mentions spéciales à J. Harrison Ghee (inoubliable Lola) et Rose Hemingway (énergique Lauren). Un bémol, hélas, à Curt Hansen (Charlie). On sent trop l'effort, dans le chant et le jeu, comme s'il courait un sprint de 1500 mètres au lieu de simplement jouer.

Avec plus de travelos et moins de mélo, Kinky Boots aurait été un classique de Broadway. Dans l'état actuel, il demeure un show éclatant, et avec plus de 1500 représentations, le succès ne se dément pas.

***1/2

Kinky Boots

• Musique : Cyndi Lauper

• Livret : Harvey Fierstein

• Mise en scène et chorégraphie : Jerry Mitchell

• Avec J. Harrison Ghee, Curt Hansen, Rose Hemingway

Jusqu'au 8 janvier, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts (En anglais)