«Ah! comme la neige a neigé!» dans la vie et l'âme de Kevin McCoy. Cela explique que l'homme de théâtre commence son émouvant spectacle, Norge, en reprenant les beaux vers d'Émile Nelligan de Soir d'hiver... mais en norvégien, la langue de ses aïeux.

Américain né à Chicago, Kevin McCoy travaille et habite à Québec depuis 20 ans. Il s'est installé dans la capitale afin d'y vivre avec son amoureux, le metteur en scène Robert Lepage. Mais aussi parce que l'acteur se considère comme un «éternel immigrant, doublé d'un voyageur éternel».

Le comédien avait abordé son adaptation à la société et à la culture québécoises dans Ailleurs, son précédent solo présenté à La Licorne, en 2011. Cette fois, avec Norge, il fait le récit de ses origines scandinaves, en dressant plusieurs parallèles avec la «nordicité» de son pays d'accueil. 

Sa nouvelle pièce (une coproduction du Trident de Québec et du Théâtre Humain) l'amène sur les traces de sa grand-mère maternelle. Cette dernière s'est exilée aux États-Unis, au début du XXsiècle, afin de refaire sa vie, en coupant les ponts avec sa famille et son passé.

Norge est un spectacle multimédia à la fois empreint de sensibilité et érudit, intime et universel, d'une extrême beauté et d'une grande humanité. 

McCoy nous invite à un fabuleux voyage nordique, en rendant au passage hommage à des artistes norvégiens marquants. Il est accompagné sur scène par Esther Charron qui interprète au piano des pièces suaves et lyriques de Grieg. Il joue parfois devant des toiles du peintre Edvard Munch ou en citant des répliques de pièces d'Ibsen.

La mise en scène est originale, ludique, brillante et inventive. On sent que le comédien a joué dans des spectacles de Lepage, avec sa manière à la fois personnelle et dramatiquement efficace de raconter son histoire.

La mémoire et l'oubli

En cherchant les raisons de l'exil de sa grand-mère (qui a quitté la Norvège à 14 ans seulement), l'acteur cherche le sens de la vie en fouillant dans les méandres de sa mémoire, pour ne pas oublier. Il se rend à Oslo, puis au village natal de sa grand-mère, lieu isolé au nord du cercle polaire; «elle qui vient du Nord, et moi je suis retourné vers le Nord», dit-il. 

Toutefois, Kevin McCoy reviendra de son périple avec plus de questions que de réponses. Et des choses plus urgentes pressent: il doit s'occuper de ses parents vieillissants, de moins en moins autonomes. Sa quête identitaire change alors de cap, et devient plus douloureuse. 

Alors, Kevin McCoy constate que l'exil de son aïeule est une allégorie de son odyssée intérieure. Sa quête identitaire va le rapprocher de ses parents, et l'aider à enlever une couche de brume sur ses sentiments. Dans la dernière scène, l'acteur joue une conversation avec sa mère, maintenant placée dans un foyer pour personnes âgées. Une tendre scène qui se termine avec une berceuse...

Au bout de son beau voyage, à 53 ans, le comédien réalise, seul avec sa mère, qu'il est périlleux de percer le mystère des siens. Les gens qu'on aime partent toujours trop vite, en gardant leurs secrets avec eux.

Et Balzac avait vu juste. Le coeur d'une mère est un abîme au fond duquel se trouve toujours... de l'amour. 

Le texte de la pièce Norge est publié aux éditions L'instant même.

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Norge. Texte et mise en scène de Kevin McCoy. Avec Kevin McCoy et Esther Charron. À Espace Go, jusqu'au 10 décembre. 

Photo fournie par l'Espace GO

La mise en scène de Norge est originale, ludique, brillante et inventive.