Ils sont six. Cinq personnes âgées ainsi que leur metteure en scène. Anne-Marie Ouellet nous apprend qu'une participante aux ateliers de théâtre qu'elle donnait dans un CHSLD est décédée en cours de route. Une autre dame n'a pu jouer lors de la première en raison d'une paralysie partielle.

C'est un spectacle sur la perte. La perte de mémoire, du corps, de toutes les jouissances intellectuelles et physiques dont les plus jeunes peuvent profiter encore pleinement. Ces personnes vieillissantes se sont rendues là, pourtant, joueuses et rieuses.

C'est un spectacle sur la vie. Sur les petits moments de joie et de faiblesse, les erreurs, les hésitations, les  échanges entre semblables, la communion encore possible, nécessaire.

Le beau texte en voix-off du début parle d'Alzheimer et de mémoire. Belle entrée en matière suivie de la prestation d'une charmante dame en fauteuil roulant qui chante Crazy de Willie Nelson avec une voix chevrotante qui émeut grandement.

Les quatre actrices et l'acteur se rappellent. Ils parlent de leurs bobos. Ils en rient et dansent. Leurs performances attachantes sont entrecoupées de deux ballets de chaises roulantes téléguidées qui, lors de leur entrée en scène dans l'obscurité, font d'abord penser à des robots venus de l'espace.

Il y a des temps que l'on pourrait dire morts, des moment qu'on pourrait qualifier de longs, mais il s'agit de leur vie à l'orée de la mort, de leur rythme normalement ralenti. Et c'est parfait comme ça.

Travailler avec des acteurs non-professionnels est un défi en soi. Ici, en bonne metteure en scène, Anne-Marie Ouellet sait souligner les qualités de ses interprètes tout en gommant subtilement les imperfections et les nombreux imprévus. Il en résulte un spectacle crédible et touchant.

Pour habiller le tout, une bande son avec des interviews de personnes âgées, de la fumée blanche, des bruits et musiques nous plaçant dans une autre dimension.

Un monde qu'on ne veut plus voir ou qui nous fait peur. Mais qui vibre toujours, qui rêve encore. Et c'est beau.

***1/2

Nous voilà rendus. D'Anne-Marie Ouellet et Thomas Sinou. Mise en scène d'Anne-Marie Ouellet. Présenté à l'Usine C jusqu'au 5 mars.