Il a beau dire qu'il aurait écrit cette pièce «même si le cas Guy Turcotte n'avait jamais existé», Serge Boucher a réécrit presque à la virgule près l'histoire du tristement célèbre cardiologue, qui a tué ses enfants avant de tenter de se donner la mort. Une histoire qui reste très vive dans notre esprit - son deuxième procès s'étant conclu le 6 décembre dernier!

Je dis «presque» parce que le personnage principal d'Après, Patrick, est ingénieur, qu'il a deux fils et que sa femme l'a laissé... pour une autre femme. Ah oui, on apprend également que les enfants n'ont pas été tués de la même manière. Mais sur le fond, on s'entend, il n'y a aucune différence. 

Dans ce contexte, le pari de l'auteur des séries Aveux et Apparences était pour le moins risqué. Que pouvait-il dire de plus au sujet de cet homme qui a perdu la carte lorsque sa femme l'a quitté? Que ça peut tous nous arriver? Que, même s'il a commis l'irréparable, il s'agit quand même d'un être humain?

Malheureusement, la réflexion de l'auteur ne nous mène pas bien loin. On se rend vite compte que les dialogues de cet Après sont aussi minces que prévisibles.

Le huis clos proposé par Serge Boucher se passe dans une chambre d'hôpital, juste après l'infanticide de ce père désorienté et confus. La relation qu'il explore est celle de Patrick avec une infirmière solitaire, Adèle, qui veille sur ce patient atypique, malgré sa répulsion immédiate pour lui.

La mise en scène de René Richard Cyr plombe ce récit, qui souffre déjà d'anémie. En cherchant à créer de la tension, il l'enlise et l'étire indûment.

Les conventions et la magie du théâtre font en sorte qu'on peut tout de suite entrer dans une situation dramatique. Désireux de rendre la lente évolution de la relation entre l'infirmière et son patient, René Richard Cyr, qui en a pourtant vu d'autres, nous vole presque une heure de notre temps en multipliant les gestes inutiles et les paroles futiles.

Entre chacune des petites scènes, le metteur en scène nous plonge dans le noir quelques secondes. Un procédé dont il abuse (surtout durant la première partie de la pièce), au point où ces «noirs», censés marquer les transitions, perdent tout leur sens. Idem pour les effets sonores, des vrombissements censés accentuer ces tensions dramatiques, qu'on entend beaucoup trop souvent et qui deviennent simplement agaçants.

L'émotion absente

Les comédiens Étienne Pilon et Maude Guérin, deux formidables acteurs, ne peuvent rien faire pour empêcher cette pièce de s'abîmer. Malgré la gravité du propos, aucune scène ne nous émeut. Surtout pas les sanglots de Patrick lorsqu'il évoque la mort de son chien.

Le tandem Boucher-Cyr n'a manifestement pas trouvé le moyen de toucher l'âme blessée des personnages.

Il reste le personnage de l'infirmière - vieille fille vivant avec sa perruche -, qui sera bouleversée au contact de Patrick. Entre autres parce qu'elle acceptera à tout le moins de l'écouter.

En étoffant ce personnage - le seul qui aurait pu être intéressant - et en se détachant franchement de celui de Patrick - que nous connaissons tous -, on aurait peut-être trouvé un angle original. Mais en fin de compte, tout gravite autour de ce père semblable à mille autres, qui passe de bourreau à victime. Une histoire qui a traumatisé le Québec en entier, singée au théâtre dans un style hyperréaliste qui nous laisse pour ainsi dire complètement indifférents.

* 1/2

Après. De Serge Boucher. Mise en scène de René Richard Cyr. Avec Maude Guérin et Étienne Pilon. Au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 19 mars.