Il y a des moments où tout nous échappe. Tout va de travers. On a beau dire, on a beau faire, les désastres se multiplient comme s'ils étaient programmés. Le tapis nous glisse littéralement sous les pieds, nous laissant seuls face à un destin qui s'accomplit indépendamment de notre volonté. Un seul mot d'ordre subsiste alors: survivre!

C'est dans ce contexte à la fois angoissant et clownesque que s'ouvre la pièce L'immédiat du Français Camille Boitel. Durant les 15 premières minutes, l'imposant décor de bric et de broc s'effondre sur les huit personnages qui échappent miraculeusement à cette pluie de décombres, façon Mister Magoo...

Cette scène de chaos organisé, qui relève du tour de force, donne le ton à ce spectacle sans paroles à la frontière de la performance théâtrale et des jeux d'illusion. Non, le monde n'est pas un long fleuve tranquille, nous dit Boitel. Il est fait d'accidents et de déséquilibres. À nous de faire notre chemin sur ce terrain miné!

L'ironie de la chose: pendant que les personnages - tantôt habillés en robes, tantôt en manteaux de fourrure (!) - s'affairent à sauver leur peau, le public croule de rire! Le contraste est saisissant. Malgré la cocasserie de certaines situations, serions-nous à ce point sadique? Y a-t-il un psychologue pour nous éclairer?

Toujours est-il qu'une fois la scène dégagée, un décor de paravents mobiles se met en place, donnant lieu à un ballet de scènes absurdes où les personnages apparaissent et disparaissent. Même les objets vacillent ou s'inclinent, révélant l'humain dans sa course folle. Vers quoi au juste? On se le demande... On a peu l'impression d'être dans une maison hantée!

Camille Boitel a créé des scènes particulièrement brillantes, comme ce segment qui montre toute la difficulté d'arriver à ses fins, ne serait-ce que pour mettre la main sur une bouteille d'eau. Une lutte plus féroce qu'on pourrait le croire. Dans une autre scène joliment absurde, une femme en apesanteur est maintenue au sol de peine et de misère.

Petit à petit, la montagne d'objets épars se reforme, comme quoi le désordre reprend toujours ses droits. Ce décor insolite n'est pas sans rappeler la structure mise en place par James Thierrée dans la pièce Raoul - Boitel a d'ailleurs collaboré avec Thierrée sur la Symphonie du hanneton. Il y a visiblement entre ces deux-là une parenté artistique.

Dans cette longue course à obstacles, et au travers le vacarme de ces effondrements, il y a forcément des scènes répétitives. Il reste que Camille Boitel parvient à créer avec L'immédiat des images extrêmement fortes et drôlatiques de cette vie pleine de surprises qu'on tente de saisir avec plus ou moins de succès.

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À la TOHU jusqu'au 21 février.