Le Cirque du Soleil dira qu'il prend toujours des risques, mais cette fois, il faut admettre qu'il en a pris tout un en créant cette fable familiale très cinématographique inspirée de l'univers du film Avatar avec sa lune Pandora et ses habitants aux teintes bleutées, les Na'vis.

Un spectacle acrobatique, c'est vrai, mais avec très peu de numéros de cirque à proprement parler - ce qui pourrait en décevoir certains. Un récit dominé plutôt par les effets visuels à couper le souffle, qui balaient le Centre Bell pendant près de deux heures.

Disons que le monde de Pandora va bien au Cirque. Ceux qui ont aimé le film retrouveront ainsi avec plaisir les colorés personnages à queue, qui se sont toujours distingués par leur agilité (un point commun avec le Cirque!).

Vous retrouverez également la faune sauvage et la flore luxuriante de cette planète finalement très circassienne. Et puis la langue na'vi n'évoque-t-elle pas la langue inventée que l'on a longtemps entendue dans les spectacles du Cirque?

La musique est également au coeur de Toruk. Les premiers tableaux sont parfaitement rythmés par les percussions. Les acrobaties sont réellement au service du récit, et même si l'on voit un artiste pendu à une corde, jamais on ne se dit: tiens, voici un numéro de corde lisse. Voilà qui est tout de même nouveau pour le Cirque.

La narration, autre nouveauté au Cirque, relie les différents tableaux. De l'initiation des amis Ralu et Entu pour devenir des chasseurs à l'éruption d'un volcan qui menace l'arbre des âmes, jusqu'à la chevauchée du Toruk (l'immense oiseau rouge), tout est très bien détaillé - un travail important de Michel Lemieux et Victor Pilon, épaulés par Olivier Kemeid.

Ce qui normalement fait partie du sous-texte des artistes est ici clairement énoncé. Une énorme différence du point de vue du spectateur. En définitive, il y a quelque chose de très proche de Disney dans ce spectacle familial à grand déploiement.

Sébastien Dodge, qui assure le rôle du narrateur en français, s'acquitte fort bien de sa tâche. La présence d'un véritable acteur sur scène (l'acteur Raymond O'Neill assure la narration en anglais) est un atout. On n'ose pas imaginer la confusion qui régnerait si nous étions laissés à nous-mêmes... Car il s'en passe des choses à Pandora.

Si le récit gagne en clarté, il y a quand même quelques segments opaques (la quête des objets sacrés), qui s'étirent inutilement ou qui se répètent. Les combats contre les loups-vipères sont surprenants la première fois. Un peu moins les fois suivantes. Il reste que la faune de Pandora est ici magnifiquement représentée.

Les metteurs en scène Michel Lemieux et Victor Pilon ne sont jamais allés aussi loin dans le déploiement de leur arsenal visuel. Outre l'arbre-maison, le petit îlot du centre et quelques plantes tropicales, tout le décor est fait de projections, recréant ici un feu de joie, là des chutes d'eau ou la lave d'un volcan.

Je ne sais pas pourquoi personne n'y a pensé avant, mais l'utilisation de toute la surface de la glace change complètement la perspective. L'explosion de la flore de Pandora avec l'apparition d'immenses pétales rouges est impressionnante. Le numéro de tissu aérien se fond alors parfaitement à la chorégraphie.

Les chorégraphies de groupe, nombreuses, sont à l'image de ces peuples fictifs imaginés par James Cameron, qui vivent en communauté, en harmonie avec la nature - comme dans le film. On le voit dans le déploiement des oiseaux dans le ciel de Pandora ou dans la très belle chorégraphie avec les tiges de bambou.

La chevauchée du grand oiseau pour rétablir l'équilibre de Pandora aux prises avec cette éruption inopinée est plus ou moins convaincante (dramatiquement), mais elle fera son effet sur les tout-petits, c'est sûr. Le tableau de la fin avec les petites méduses de l'arbre des voix efface ces petites frustrations passagères. Oui, c'est du joli!

Au Centre Bell jusqu'au 3 janvier