Stéphane Rousseau, aussi populaire en France qu'au Québec, promettait dans son sixième spectacle, Un peu princesse, de casser son image de «beau garçon, poli et courtois». Sans pour autant tomber dans l'humour «trash», Rousseau pourrait bien surprendre ceux qu'il n'a pas encore séduits avec ce spectacle solo. Princesse? Oui, un peu. Mais surtout prince du divertissement.

Devant une salle bondée de critiques, d'amis et de personnalités - comme c'est toujours le cas lors des premières -, Stéphane Rousseau a transposé hier au St-Denis son nouveau spectacle pour le public québécois après l'avoir présenté au public français. Encore qu'une bonne partie de la diaspora française de Montréal était présente aussi... On sentait encore les références, particulièrement dans le choix de chansons - Charlebois, Roch Voisine, ça résonne beaucoup chez les cousins.

Pas mal en forme, même s'il se plaint des bobos de la fin de la quarantaine, Rousseau est entouré de deux musiciens, Emmanuelle Caplette à la batterie, William Croft aux claviers, qui, plutôt que d'être de simples accompagnateurs, participent à plusieurs numéros. Une belle idée.

La scène est plus rock que dénudée comme dans le stand-up traditionnel, et l'humoriste se paye la traite en chantant, un penchant qu'il affectionne et dont il veut se débarrasser - plus précisément son penchant «crooner» -, ce qui n'enlève rien à son côté «show-off». D'ailleurs, bien conscient de son statut de vedette en France, il a plusieurs fois traité Montréal de petite ville de province. «Si vous avez déjà eu la chance de sortir d'icitte...»

Rousseau est un performeur, et son expérience sert cette fois entièrement l'humoriste. Il possède la scène bien plus que d'autres collègues qui s'en tiennent à leurs textes. Il chante, il bouge, il danse (surtout pour se moquer de la danse contemporaine), mais plus que tout, il parle. De lui. Et il se révèle autrement. D'abord, dans la crainte de vieillir. «Couché sur le dos», dit-il, «je ressemble encore à Brad Pitt, mais de côté, à Gaétan Barrette». Et ses tatouages changent de place. Lui qui aimait tant porter des vêtements ajustés adore maintenant les vêtements mous.

«Tout ce qui est mou, je l'achète. Si le PQ était à vendre, je l'achèterais!»

Il s'agit de la seule blague politique de soirée, mais elle a eu son effet.

Et le «mou de bras» de sa grand-mère, il aime aussi - c'était sa boule antistress, avec ses perles de sagesse difficiles à comprendre quand elle ne portait pas son dentier... Cette tendresse pour les femmes de sa vie, il la saupoudre avec parcimonie dans ce spectacle, mais il ne peut s'en passer (et c'est plus touchant que lorsqu'il le souligne).

Trop materné par les femmes, il estime que cela a fait de lui un gars qui ne sert pas à grand-chose, qu'il n'a que des «qualités de merde». Il a de la difficulté à dire le fond de sa pensée (puisqu'il veut être gentil), n'est pas un conjoint très intelligent, encore moins un père parfait. Sa règle parentale? «Pas plus de sept heures de iPad, sinon, ils ne veulent plus regarder la télé.» Il aborde assez peu sa rupture, beaucoup plus le célibat. Mais, nul en drague, il a recours à un seul personnage, l'un des préférés de ces dames, le très gluant et insistant Rico, qui lui permet toutes les audaces en bas de la ceinture. Ça fait du bien de voir Rousseau sans ses personnages, vraiment, mais Rico était une belle surprise.

Manifestement, Stéphane Rousseau semble prendre plaisir à faire la liste de ses défauts, et c'est surtout le public qui en profite. Si les moments en chansons ne plairont pas à ceux qui n'aiment pas ce type d'humour (même si l'humoriste offre une imitation hilarante de chanteurs dépressifs, tant français que québécois), et que le segment «feu de camp» sent quelque peu le remplissage, il n'y a pas de temps morts dans ce spectacle sans entracte, qui donne la pleine mesure du talent de cet humoriste qui n'a certes pas que des «qualités de merde». Il a tout du professionnel, voire du prince en son domaine.

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Un peu princesse de Stéphane Rousseau, jusqu'au 25 avril au Théâtre St-Denis. En supplémentaires les 17 et 18 juillet au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, et du 26 au 30 décembre 2015 au Théâtre St-Denis.