Difficile de faire la critique de la pièce Ceci est un meurtre, création du collectif Endoscope formé de Vincent de Repentigny, Rébecca Déraspe et Mellissa Larivière, fruit d'une résidence de création au Théâtre Aux Écuries.

Car en révéler les mécanismes pourrait nuire à l'expérience théâtrale si intéressante qui nous est proposée et qui doit varier selon le public, puisque celui-ci fait partie intégrante de la création. Autrement dit, il ne faut pas dévoiler les «punchs» puisque tout se joue dans la participation des spectateurs.

La mise en place est très longue pour une pièce très courte, où le texte est pratiquement absent, et le malaise, omniprésent.

Un homme (Simon-Pierre Lambert, qui incarne parfaitement un asocial contrôlant) prépare minutieusement l'espace qui va recevoir ce malaise. Il transporte des chaises, installe une table, cloue des tableaux, passe l'aspirateur, dans une espèce de «dramaturgie des objets», avant d'inviter des spectateurs - qu'il ira choisir un après l'autre dans l'assistance - à se joindre à un souper improvisé.

Du début à la fin, une hache est mise en évidence, que tout le monde destine spontanément au pire, comme dans un film de Hitchcock, puisqu'elle est là, tout simplement, et que l'acteur devient de plus en plus inquiétant à mesure que la pièce avance.

Rire et inconfort

Mais c'est l'ambiance à la David Lynch qui saute aux yeux, dans ce décor de bois préfabriqué où le personnage chante très mal des chansons de crooners pour séduire vainement ses invités.

C'est que Simon-Pierre Lambert transforme les gens en objets dans son théâtre personnel. Quatre personnes du public au total, dont il ne supporte pas le regard et qu'il congédie une après l'autre pour finir avec une seule - évidemment, une femme, dont il veut se rapprocher de façon très maladroite et pas très agréable.

Il est tellement maladroit, d'ailleurs, que le rire est inévitable, mais ce rire masque un inconfort.

On a l'impression que ce type n'est pas sain d'esprit et que ses intentions sont plus que louches. Peut-être ne veut-il que rencontrer quelqu'un...

Mais la résistance des participants gênés révèle aussi la vulnérabilité du personnage. Enfin, ce regard qu'il refuse aux autres ne nous épargne pas le sien, qui tient beaucoup du prédateur dangereux. 

Nous attendons tous ce meurtre annoncé dans le titre et, lorsque la scène s'éclipse au profit d'un écran vidéo qui nous montre, par une petite caméra tremblotante, ce qui se déroule entre le personnage et la spectatrice piégée hors de l'espace sécurisant de la scène, alors là, on se demande si on va tomber dans le film d'horreur, voire le snuff movie en direct. Va-t-il la tuer?

Chantage émotif

En à peine plus d'une heure, Ceci est un meurtre joue habilement avec nos nerfs et nous demande d'agir. Les dialogues sont réduits au minimum et les silences, envahis progressivement par une étrange tension qui provient surtout de la salle.

On n'en dira pas plus, mais c'est précisément dans la réaction du public que tient la durée de la pièce, et sa conclusion réelle. Ceci est un meurtre semble en dialogue avec Ceci n'est pas une pipe, le tableau de Magritte, et tout dépend de la façon dont vous interprétez ce qui vous est présenté. 

Si tout cela n'est que du spectacle et que vous ne vous sentez pas concernés, vous tuez la pièce - un procédé risqué, mais brillant. Ceci est un chantage émotif vraiment fascinant, en somme, à vivre plus qu'à raconter.

* * * 1/2

De Rébecca Déraspe, Mellissa Larivière et Vincent de Repentigny. Au Théâtre Aux Écuries jusqu'au 25 avril.