L'École nationale de théâtre peut-elle mener, autant que l'École nationale de l'humour, à la carrière d'humoriste? C'est la question qu'on se posait avant même d'avoir vu la première du One-woman show de la comédienne Valérie Blais, présentée hier au Monument-National.

Pour la carrière, on verra, mais pour un spectacle réussi, c'est plutôt dans la poche, si l'on est prêt à sortir des sentiers battus de l'humour professionnel.

Un premier spectacle solo est probablement le plus grand moment de la vie d'un humoriste, qui a souvent fait ses classes dans les bars. Valérie Blais a donc du front tout le tour de la tête pour proposer, à 45 ans, le sien, alors qu'il est déjà difficile de faire sa place dans un milieu saturé. L'humour est un métier où la personnalité de l'artiste compte autant que le talent, le public s'imaginant les humoristes semblables sur la scène comme dans la vraie vie. Il en va autrement des interprètes, qui ne peuvent être confondus avec leurs personnages. Reste que Valérie Blais avait déjà une petite longueur d'avance avec son hilarant personnage de la série Tout sur moi, qui brouillait un peu ces frontières.

Ce n'est qu'à la moitié de son spectacle que nous avons saisi que ce qu'elle présentait était différent, lorsqu'elle a expliqué à quel point elle est pudique. Mais TRÈS pudique. Ça frise le ridicule et c'est complètement à contre-courant d'une époque qui l'est rarement, pudique. Nous avons alors constaté que son humour n'avait rien de gras, même si elle parle beaucoup de son poids. Aucune vulgarité, très peu de jurons, alors que les jurons sont pratiquement devenus, chez plusieurs, une sorte de ponctuation.

Pour un certain public, cela pourrait carrément constituer un obstacle, comme s'il y avait une absence de «punchs». De toute évidence, le spectacle de Valérie Blais ne s'adresse pas à l'auditoire de MusiquePlus, disons. Et pour un soir de première où l'on voyait beaucoup d'amis comédiens dans la salle, beaucoup de blagues sur le métier d'acteur ne sont pas tombées dans les oreilles de sourds.

Valérie Blais parle de gras et de grâce, reconnaissant que les fées lui ont donné l'un plus que l'autre, mais aussi de la grossesse tardive - quand on décide d'avoir un enfant au bord de la retraite des ovaires - et de son expérience un peu catastrophique de bénévolat, sorte de passage obligé des actrices pour passer à la télé. Du fait que tout le monde est au moins une fois dans sa vie un peu cheap (mais jamais autant que Gilles Vaillancourt) et de son incapacité à raconter des «jokes de cul» alors qu'on lui a dit qu'un show d'humour doit en contenir au moins 20 %.

Au fil de textes d'une grande qualité (écrits par Marie-Andrée Labbé), on découvre une personne drôle, bien entendu, mais aussi très attachante, de celle qu'on aimerait avoir comme invitée dans un souper de filles, ne serait-ce que pour la traumatiser avec des blagues cochonnes. C'est tellement rare, la pudeur... On s'attendait à un plus sale caractère et elle ne devrait pas se gêner pour en mettre un peu plus, on l'aime aussi un peu méchante. Valérie Blais ne propose certes pas un humour en bas de la ceinture, mais un peu plus au-dessus, en s'adressant au coeur et à la tête, en chatouillant intelligemment la rate.

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Valérie Blais, en supplémentaire le 24 janvier au Monument-National.