La femme sans nom dans La liste a plusieurs déclinaisons dans Le carrousel. Elle se nomme tour à tour Marie, Florence, Constance... Mais quel que soit le nom qu'on lui donne, de mères en filles, d'une époque à l'autre, cette femme s'exprime d'une seule voix: celle de l'amour. L'amour pour les hommes, pour les enfants et pour la vie que les femmes transmettent.

Non sans une inévitable part d'angoisse, de colère et de culpabilité.

Le carrousel de Jennifer Tremblay, créé cette semaine au Théâtre d'Aujourd'hui, dans une mise en scène claire, limpide et incarnée de Patrice Dubois, est un bel objet dramaturgique. Un texte ouvragé et brodé tout en finesse par l'auteure. Une partition écrite sur mesure pour la merveilleuse Sylvie Drapeau. Deuxième partie d'une trilogie qui se terminera avec La délivrance, cette production nous confirme que cette auteure est vouée à une belle carrière théâtrale.

Une femme (la narratrice interprétée par Sylvie Drapeau) doit se rendre au chevet de sa mère mourante sur la Côte-Nord. Sur la route 138, elle traîne une tonne de questions. La jeune femme veut savoir pourquoi elle ressent cette angoisse, cette peur viscérale qui lui pèse «comme une grille qui se referme» sur son corps. Est-ce l'héritage de sa mère? De sa grand-mère morte? De la condition féminine? De la filiation?

La joie de vivre

Au fur et à mesure qu'avance ce récit elliptique et allégorique, la narratrice répondra à ses questions. Au bout du compte, elle comprendra que, pour se libérer du passé, pour en finir avec ce manège qui tourne dans sa tête, il lui faut aimer. Et répandre le bonheur et la joie autour d'elle. Car la narratrice désire que ses enfants «soient ces hommes que les femmes espèrent connaître».

Après La liste, Sylvie Drapeau renoue avec la forme du solo et l'écriture de Jennifer Tremblay. Extrêmement bien dirigée par Patrice Dubois, la Drapeau est encore une fois excellente! Elle habite toute la scène (qui est comme son habitat naturel). Elle fait vivre tous les personnages et leurs états d'esprit, en se mouvant un peu ou en variant légèrement son registre de jeu.

Lorsque l'actrice évoque des petites filles qui jouent avec leurs robes de filles fleuries et colorées, on voit ces enfants courir et s'amuser autour d'une maison de campagne imaginaire. Lorsque Drapeau parle de la neige sale et du froid de novembre, on le ressent. Et quand la comédienne s'empare d'une hache pour aller couper cet arbre - ô combien symbolique -, tout le poids de sa détermination traverse la salle!

Tout au cours de son récit dramatique, Sylvie Drapeau est secondée par le musicien Jasmin Cloutier, en retrait sur la scène, derrière un rideau transparent. Ce dernier interprète la belle et douce musique de Pascal Robitaille. La scénographie épurée est signée Guillaume Lord. Les éclairages magnifiques sont d'Alexandre Pilon Guay.

Ce Carrousel agit comme un léger baume sur nos diverses blessures.

________________________________________________________________

Au Théâtre d'Aujourd'hui, jusqu'au 8 février.