La compagnie Le Bureau de l'APA, à qui l'on doit la pièce La jeune fille et la mort programmée au dernier Festival TransAmériques, présente à l'Espace Libre Les oiseaux mécaniques, une création à la fois déroutante et extrêmement réjouissante. Une proposition hors norme dans la mouvance des performances néo-dada des années 60, des happenings anti-art et du mouvement Fluxus.

Avec la prémisse de se réapproprier la Neuvième symphonie de Beethoven, Simon Drouin et Laurence Brunelle, accompagnés de huit interprètes et musiciens, nous invitent à assister à un concert pas ordinaire. Un pied de nez à la culture «sérieuse», classique, mais aussi populaire. En résumé, disons que le chef d'orchestre n'a pas l'autorité ni le charisme de Kent Nagano...

Si les artistes des années 60 et 70 politisaient leurs interventions et voulaient «purger le monde de la maladie bourgeoise, de la culture intellectuelle, professionnelle et commerciale», les membres du Bureau de L'APA semblent se prendre moins au sérieux que Nam June Paik et Joseph Beuys. «Il ne faut pas croire tout ce que l'on pense», disent-ils.

Cela ne les empêche pas d'assumer totalement leur rôle de créateurs et d'aller au bout de leur étrange proposition.

L'asile de l'impureté

Le décor est jonché de chaises, de fils, de micros et de gadgets électroniques. Dans ce joyeux bordel scénographique, les performeurs vont bousculer et détourner les codes de la représentation. Au programme durant près de deux heures, chansons, numéros burlesques, tableaux vivants, violons mécaniques, vidéos, bruitages et autres distorsions sonores. Par moments, la scène de l'Espace Libre ressemble à un asile de l'impureté!

On nous appellera à faire la grève humaine et à «refuser de jouer le rôle de victime». Un critique de la revue Jeu (Alain-Martin Richard) intervient sporadiquement afin de partager avec le public sa savante analyse du spectacle en direct. Les acteurs se changent au milieu de la scène pour enfiler un déshabillé noir et entonner une rengaine dans laquelle tout le monde veut s'appeler Caroline...

Au bout du compte, Les oiseaux mécaniques interroge la surabondance visuelle et sonore de la société actuelle. Un monde dans lequel la parole (donc le sens) se noie dans un déluge cacophonique. Un monde où le pouvoir récupère tout, même la subversion.

Le spectacle se termine sur un troublant message: «L'art n'est pas le contraire de la barbarie.» Triste constat des débordements culturels de la société de consommation.

À l'affiche avant les Fêtes, entre Casse-Noisette et La mélodie du bonheur, le Bureau de l'APA propose un spectacle non conventionnel qui risque de vous faire rire. Mais aussi réfléchir.

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À l'Espace Libre, jusqu'au 21 décembre.