Ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir une pièce de Shakespeare, en version originale anglaise, à Montréal. Même qu'au Centre Segal, qui présente actuellement Othello, il s'agit seulement de la 3e production shakespearienne en 47 saisons ! L'occasion était donc belle d'aller y jeter un oeil.

La metteure en scène Alison Darcy y va d'une lecture assez classique de la pièce, misant essentiellement sur les jeux de manipulation du diabolique Iago. Toutes les intrigues de ce drame sont en effet menées par cet officier de l'armée vénitienne qui s'en prend au général maure Othello, dont il souhaite la perte.

Il faut bien l'admettre, ce Iago est brillamment défendu par Sean Arbuckle. Grâce à son esprit retors et à son pouvoir extraordinaire de manipulation, il fera tout pour faire croire à Othello que sa femme Desdémone lui est infidèle. Pour ce faire, il se servira du personnage de Cassio, promu lieutenant à sa place, pour arriver à ses fins.

Tout ça se terminera, comme il se doit, dans un bain de sang.

Le contexte politique de la pièce - la défense de Chypre contre la flotte ottomane, finalement emportée par une tempête - y est bien sûr évoqué, mais à peine représenté sur scène. En fait, toute la pièce se déroule dans un dénuement quasi complet. À vous de nager dans ces flots ininterrompus de mots.

On aurait souhaité une scénographie plus inventive, capable de magnifier ces mots, une mise en scène moins statique, en somme, mais Alison Darcy a choisi de narrer ce récit dans la plus grande sobriété. Dans les circonstances, la densité du texte induit inévitablement des moments d'ennui profond.

Maniérisme

Outre ces vagues références aux cabinets de curiosités et ce timide ruissellement d'eau dans la scène finale, il n'y a que le va-et-vient des acteurs pour nous accrocher. Et toujours ces mots, pendant plus de deux heures et demie...

Parlons du personnage principal, Othello, interprété par Andrew Moodie. Si l'acteur parvient à déployer sur scène une énergie étonnante, on ne saurait passer sous silence son maniérisme parfois irritant. Il n'en demeure pas moins que Moodie maîtrise parfaitement cette partition difficile du répertoire shakespearien.

L'origine maure d'Othello est bien sûr centrale dans ce récit. Étant prétendument le seul Noir de cette armée vénitienne - et, de plus, occupant le grade de général -, on sent bien la méfiance exprimée à son endroit par son entourage, notamment lorsqu'il épouse la blanche Desdémone.

De là à faire un parallèle avec la Charte de la laïcité, comme le fait le directeur artistique du Segal Paul Flicker dans le programme, il y a un pas qui, me semble-t-il, n'aurait pas dû être franchi.

Au Centre Segal jusqu'au 1er décembre. En anglais.