C'est une version très contemporaine du classique Hansel et Gretel que nous propose cet été le théâtre de La Roulotte. Et la pièce adaptée par le metteur en scène Charles Dauphinais et Élizabeth Sirois réussit à conserver le côté intemporel du conte des frères Grimm tout en lui insufflant une nouvelle interprétation.

Hansel et Gretel sont deux enfants turbulents et imaginatifs qui aiment bien se chamailler et faire des mauvais coups. Ils sont normaux quoi, mais vivent dans la pauvreté avec leurs parents.

Ce midi-là, ils n'ont pour tout repas qu'une soupe à la patate, mais rêvent de manger les biscuits qui font grandir qu'on annonce à la radio... Radio qu'adore leur mère, et qu'ils briseront par mégarde. Excédée, elle les envoie au loin cueillir des framboises, dans la forêt du Nord. Une longue route les mènera alors jusqu'à une maison habitée par une inquiétante propriétaire...

La pièce est vraiment séparée en trois temps. Les premières scènes chez les parents sont d'une grande sobriété malgré les galipettes des enfants, alors que leur marche dans le bois est à la fois terrifiante - les cris de Gretel! - et rigolote. Mais si les blagues pour les parents fusent et que la chanson country On est les rois des fonds de poubelle fait sourire, cette partie reste un peu trop longue.

Dans l'usine à bonbons

La pièce prend vraiment son envol dans le dernier segment complètement déjanté, à partir de l'arrivée des enfants dans la maison. Il fallait quand même du culot pour modifier un des éléments les plus connus des contes pour enfants, la maison de pain d'épice, et la transformer en usine à bonbons. Et de faire de la méchante sorcière une drag queen aussi suave qu'inquiétante.

Mais l'idée est bonne, même si le reste de la pièce souffre un peu de la comparaison - on a vu nettement les têtes se redresser à ce moment-là, autant celles des adultes que des enfants. C'est qu'on entre dans un délire visuel et narratif: armoires pleines de contenants aux couleurs pastel, rencontre avec deux autres enfants gavés par leur geôlière qui sont devenus si énormes qu'ils ne peuvent plus bouger, découverte que les biscuits qui font grandir, en fait, font grossir...

Mais c'est cette sorcière bizarre qui domine, incarnée par un comédien qui porte tailleur ajusté, perruque rose et talons vertigineux, et qui devient encore plus menaçante lorsqu'elle se présente en vieux déshabillé et sans cheveux.

Ce qui n'était qu'une adaptation légèrement modifiée et bien réalisée du conte devient alors un mélange de slapstick et d'horreur - on se croirait chez Almodovar ! - amusant, brillant et original. Jusqu'à ce que Hansel et Gretel s'en sortent grâce à leur ingéniosité et leur solidarité, et qu'ils retrouvent enfin leurs parents inquiets.

Au final, le leitmotiv de la pièce -« Tant qu'on est ensemble, on est riches« - prend donc tout son sens. Hansel et Gretel auront résisté au chant des sirènes de la société de consommation et ils auront appris à se méfier de la malbouffe et de la publicité. Une morale moderne, mais avec une dernière scène juste assez ironique pour qu'on reparte, malgré la chaleur et le soleil qui tapait impitoyablement ce matin-là sur le parc Jarry, avec le sentiment qu'on ne nous a vraiment pas pris pour des idiots. Une réussite.