Gardy Fury. Retenez bien ce nom. Le chanteur noir, qui a formé un trio avec Corneille et Gage dans les années 90, est la révélation de Hairspray, dont la première avait lieu mercredi. Le jeune homme de 35 ans, véritable bête de scène, a d'ailleurs reçu une longue ovation à la suite d'un numéro de danse époustouflant. Son personnage de Seaweed est le sel de la nouvelle comédie musicale mise en scène par Denise Filiatrault.

La chanteuse noire Kim Richardson a elle aussi été ovationnée après avoir chanté avec aplomb la pièce D'où je viens. Malgré son jeu hésitant et maladroit, la charismatique chanteuse de jazz et gospel est parvenue à se faire pardonner, me semble-t-il, après chacun de ses tours de chant. La vérité, c'est qu'on n'a jamais vu au théâtre québécois autant de chanteurs et de danseurs noirs (de talent) réunis sur une même scène.

Il faut dire que Hairspray, qui dénonce la ségrégation raciale dans les années 60, commandait une distribution en noir et blanc. Mais Denise Filiatrault a parfaitement réussi ce mélange de couleurs qu'il fait bon de voir. Encore une fois, elle a remporté son pari de faire jouer, chanter et danser en français une trentaine d'interprètes, dont certains, il faut bien le dire, partaient de loin.

Double discrimination

Rappelons les grandes lignes de cette histoire campée à Baltimore, « là où les gens sont tous obèses « dixit le réalisateur excentrique du film Hairspray, John Waters, qui vouait un culte à « tout ce que la ville tente de cacher «. Une jeune adolescente grassouillette, Tracy Turnblad, cherche à participer à une émission de télévision, sorte de Star Académie de la danse, où les jeunes filles sont toutes très sveltes... et blanches.

Évidemment, son physique jouera contre elle. Une double discrimination puisque les jeunes Noires sont elles aussi exclues des auditions. Mais grâce à l'ouverture d'esprit de l'animateur Corny Collins, elle finira par se joindre au groupe, non sans subir les railleries de ses concurrentes. L'ex-académicienne Vanessa Duchel défend à merveille ce rôle, jouant et chantant avec plaisir et aisance.

Dans une des scènes-clés de Hairspray, l'animateur, défendu par le jeune Bryan Audet (qui rappelle René Simard dans ses jeunes années), dit à sa productrice : « L'émission doit ressembler à ceux qui la regardent. « On pourrait en dire tout autant de notre théâtre... Toujours est-il que le personnage de Tracy, symbole de la différence qui dérange, profitera de sa notoriété naissante pour réunir Blancs et Noirs à l'émission.

De bons interprètes

Plusieurs autres interprètes se distinguent, à commencer par Louis Champagne, qui incarne magnifiquement le rôle de la mère de Tracy, un rôle défendu par le travesti Divine dans le film de Waters et par John Travolta dans le remake d'Adam Shankman, sorti en 2007. Tanya Brideau est aussi savoureuse dans le rôle de Penny Pingleton, la meilleure amie de Tracy qui tombera amoureuse de Seaweed.

Quelques bémols tout de même. La talentueuse Véronique Claveau déçoit les attentes dans son interprétation du personnage d'Amber von Tussle, la belle blonde stéréotypée programmée pour remporter le concours. Sa voix criarde finit par être agaçante. Pareil pour Geneviève Charest, dans le rôle de sa mère, qui force un peu la note, malgré son jeu très juste. D'ailleurs, l'équipe technique aurait intérêt à baisser le volume des micros...

À la fin, il faut admettre que Denise Filiatrault a réussi, au fil des ans, à donner ses lettres de noblesse aux comédies musicales. Avec des budgets relativement peu élevés, la directrice artistique du Rideau Vert a créé, avec son complice Yves Morin, des spectacles de qualité (Cabaret, Chantons sous la pluie, La mélodie du bonheur, etc.) comparables à ce qui se fait de mieux sur Broadway. Pour notre plus grand plaisir.

Au Théâtre St-Denis jusqu'au 14 juillet.