Avec sa compagnie Terre des Hommes, Marc Beaupré s'est donné le mandat de revisiter les classiques pour en faire des créations contemporaines et iconoclastes. Après le Caligula_remix - d'après Camus - et avant d'attaquer Homère, Ionesco et Musset, le metteur en scène présente une adaptation audacieuse et «2.0» du Dom Juan de Molière.

D'emblée, Marc Beaupré avoue «ne pas aimer Molière»... Ce qui l'intéresse dans cette pièce créée en 1665, c'est plutôt le mythe. Cette idée d'opposer le désir et la mort pour interroger l'absurdité de la condition humaine. Par delà ses bravades, sa suffisance, son détachement, Dom Juan est un homme révolté. Il défie la société et ses institutions. Il ne respecte rien, ni la religion, ni le pouvoir, ni la famille, ni l'amour. Or, son nihilisme est une pose, un masque qu'il porte pour cacher son angoisse.

Ces graves questions autour du personnage de l'éternel séducteur sont évoquées dans la création présentée au Théâtre La Chapelle. Mais dans une proposition un peu trop chargée de sens et d'interprétation. On s'y perd un peu par moments. Dom Juan_uncensored introduit le concept du tweet au théâtre. Les spectateurs munis d'un téléphone intelligent peuvent commenter librement la représentation qui se déroule devant eux. Des interprètes sur la scène twittent aussi en temps réel. Ils soulignent des répliques choisies, introduisent un personnage, affichent des hyperliens, etc. Les internautes en dehors de la salle peuvent aussi suivre en direct la séance de tweet en consultant le mot-clic suivant: #djxxx.

Pêle-mêle

Au début, tout ça est un peu étourdissant. Il y a beaucoup de tweets pour rien. Quelques-uns viennent d'ailleurs souligner les abus de la mise en abîme et du métalangage. Certains tweets sont rigolos: «Dom Juan, un douchebag avec du vocabulaire» ... C'est un point de vue!

Beaupré mêle aussi le Don Giovanni de Mozart à celui de Molière (la mort opératique du héros est rendue avec beaucoup de génie par David Giguère sous le regard dubitatif d'Amadeus, projeté en toile de fond).

Pour remplacer Don Louis (que devait incarner René-Daniel Dubois), on a demandé à Marie-France Marcotte de reprendre le rôle. Ce qui transforme le courroux entre le père et son fils en un étrange conflit oedipien entre Dom Juan et sa mère. On est davantage dans Hamlet... L'Elvire de Geneviève Boivin-Roussy est très juste; le Sganarelle d'Iannicko N'Doua cabotine un peu... mais le valet de Dom Juan est aussi un personnage clownesque. Dans le rôle du séducteur, David Giguère impressionne. Il multiplie les décrochages comme des couches qui enveloppent l'âme de cet antihéros. Un homme qui préfère mourir libre plutôt que sauver son âme.

Jusqu'au 10 novembre, au Théâtre La Chapelle