Ce n'est pas la première fois qu'il nous gâte, Jean-Louis Trintignant, un habitué du Festival international de la littérature (FIL). Dans les dernières années, il a lu à Montréal Aragon, Apollinaire et Jules Renard. Mais cette fois-ci, c'est plus qu'un cadeau. C'est pratiquement un témoignage, par les mots de ces poètes qui ont compté pour lui. On n'aurait pas voulu crever sans l'avoir entendu lire ce collage «libertaire» qu'il a créé avec les textes de Prévert, Vian et Desnos.

Des choix de poèmes sûrement fondamentaux pour l'homme de 81 ans qui partage avec ces trois poètes ce sentiment tragique de la vie, l'amour des ces «petites» choses qui sont en fait les grandes, et le mépris de la guerre. Car l'ombre sinistre de la guerre et la cruauté traversent tous ces poèmes. Comme l'écrit Vian: «Ils cassent le monde/ en petits morceaux/ils cassent le monde/À coups de marteau/Mais ça m'est égal/Ça m'est bien égal/il en reste assez pour moi...» Il en reste toujours assez pour ceux qui persistent à voir la beauté sans être aveugles face à la barbarie. Jean-Louis Trintignant le sait très bien. Vian le savait. Prévert le savait. Desnos le savait. Cela n'empêche ni la douleur, ni la mort, mais...

L'accordéon de Daniel Mille donne ce petit côté Paris d'antan, valse-musette, que vient contrebalancer le poignant violoncelle de Grégoire Korniluk. Sinon, la poésie est nue, comme une femme adorée qui donne autant envie de vivre que de se tuer. Et le comédien est sans fards, seulement le point sensible de la rencontre entre Prévert, Vian et Desnos qui par Trintignant se parlent et se répondent. Le choix des poèmes est en soi une création du lecteur. Et Jean-Louis Trintignant est un grand lecteur, pas seulement sur scène, mais aussi dans ses collages. Tout cela mis ensemble forme en quelque sorte un poème personnel aussi signifiant que chacun pris séparément. Et ça nous touche droit au coeur, inévitablement.

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Trois poètes libertaires du 20e siècle: Vian, Prévert, Desnos, ce soir et demain 20h, au Théâtre Outremont.