Cette «stonerie poétique» imaginée par Loui Mauffette il y a sept ans a des effets durables... Année après année, il redonne vie aux mots de quelques poètes, auteurs, dramaturges ou chansonniers, qui autrement dormiraient dans leurs pages... Il faut dire que l'attaché de presse du TNM  a mis le paquet pour nous séduire, réunissant, encore une fois, des interprètes de haut vol - Maxime Denommée, Anne-Marie Cadieux, Jean-François Casabonne, Émilie Gilbert, Clara Furey, pour n'en nommer que quelques-uns.

C'est sans doute ces mots de Léo Ferré - extrait de la préface de Poètes... vos papiers! interprété par Stéphane Gagnon - qui résument le mieux l'esprit de Poésie, sandwichs... : «La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie; elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche.»

La poésie prend bel et bien son sexe. Une quarantaine de textes poétiques, à commencer par le très beau poème de Guy Mauffette, Je crois que.... On y retrouve aussi Jacques Prévert, Boris Vian, Arthur Rimbaud, James Joyce, Gaston Miron; des plus contemporains aussi comme Geneviève Desrosiers, Jean-Sébastien Larouche, Patrice Desbiens, Evelyne de la Chenelière; et de moins connus comme Attila Jozsef, Polina Barskova, Marina Tsvetaieva, etc. Des poèmes accessibles et vivants, qui pourraient bien vous réconcilier avec le genre...

L'équipe de création a eu la bonne idée d'interpréter en choeur la chanson Aujourd'hui, d'Ève Cournoyer, qui est morte prématurément il y a à peine un mois. Un moment très touchant. La musique est d'ailleurs omniprésente dans ce cabaret, Yves Morin assurant le jeu au piano et à l'accordéon pendant presque toute la représentation. Yann Perreau s'est également mis au piano pour interpréter L'oiseau bleu, sur des paroles de Charles Bukowski. Tandis que Betty Bonifassi a entonné le classique Parlez-moi d'amour.

Un travail remarquable a été fait pour lier les poèmes entre eux, donnant lieu à des transitions à la fois harmonieuses et théâtrales qui nous emmènent habilement dans chacun de ces univers éclatés. Clara Furey, avec son intensité habituelle, a même interprété avec Éric Robidoux un numéro de danse extrait de la Pornographie des âmes, de Dave St-Pierre. Un poème sans paroles, qui nous donne la liberté de construire notre propre histoire.

À la fin, on repart avec des mots et des images plein la tête. On retiendra certainement l'extrait de l'Ulysse de James Joyce, interprété par Patricia Nolin; Le bateau ivre de Rimbaud, livré par Jean-François Casabonne, le numéro orgiaque du groupe sur des textes de Jim Morrison, et tant d'autres, au cours de cette soirée qui se conclut, comme le veut la tradition, par une distribution de sandwichs-pas-de-croûte. À voir la réaction du public, on peut dire que cet exercice de pollinisation poétique est une réussite. On a déjà hâte à la prochaine stonerie de Loui.

Jusqu'au 24 septembre à la 5e salle de la Place des Arts.