Le Théâtre de la Roulotte célèbre de belle façon ses 60 ans en présentant cet été dans les parcs de Montréal un Peter Pan clownesque et tragi-comique.

Du théâtre jeunesse inventif, gratuit, en plein air, et qui puise aux racines de la comédie. Qui dit mieux? On pense à La Roulotte, et on se sent déjà en vacances.

Assis dans l'herbe, les orteils à l'air, petits et grands attendent le début du spectacle en terminant leur pique-nique. La scène s'ouvre sur un décor simple: un lit, un coffre, une horloge grand-père. Le lit deviendra un bateau, le coffre sera plein d'enfants perdus, l'horloge sera tantôt le Big Ben, tantôt une mâchoire de crocodile menaçant le capitaine Crochet.

Les enfants entrent aisément dans le jeu. Il suffit d'un nez de clown et le frère disparu devient Peter Pan, un peu de poussière d'étoiles et Wendy et Michael s'envolent.

Le deuil

En introduisant le deuil dans son adaptation de l'histoire de J. M. Barrie, le metteur en scène Félix Beaulieu-Duchesneau a réussi un pari audacieux. Peter Pan se confond avec John, premier fils de la famille Darling mort deux ans plus tôt en sautant par la fenêtre. Il a basculé dans l'imaginaire en voulant voler comme une fée. Depuis, les parents ne rient plus, ne donnent plus de bisous. Les enfants n'ont plus le droit de jouer, surtout pas Wendy qui arrive à l'adolescence.

En transformant les parents en capitaine Crochet et «madame Mouche», duo loufoque de pirates, l'adaptation ajoute une nouvelle dimension à l'histoire. L'enjeu n'est plus seulement le passage de Wendy à l'âge adulte, dans le monde noir de ceux qui ne croient plus aux fées, mais aussi la difficulté de retrouver le goût de vivre après la mort d'un enfant.

Abandonnée par Crochet pour être dévorée par «les sirènes de la tristesse infinie», Wendy sera sauvée par Peter Pan. De fil en aiguille, ils arriveront à faire rire Mouche, puis à la faire danser avec Crochet, et même à ramener les fées dans le coeur des parents.

L'histoire se termine dans la réconciliation et dans une grande bataille d'oreillers. Vieillir n'a plus rien de menaçant si on garde en soi une part d'imaginaire.

Le théâtre en plein air connaît un défi particulier: comment attirer le regard quand le soleil brille encore? Les comédiens - tous finissants de l'École nationale de théâtre ou du Conservatoire d'art dramatique - doivent faire un effort supplémentaire pour accrocher le public, ce qu'ils réussissent plutôt bien par un jeu très physique. On leur demande de jouer gros, et la pièce s'y prête bien dans l'ensemble.

Les adultes trouveront peut-être le message un peu appuyé: «Seul l'enfant en toi peut consoler l'adulte qui pleure son enfant perdu.» Mais le jeune public n'en retiendra pas forcément la même chose.

«John n'est pas vraiment mort. En fait, il a sauté par la fenêtre et Clochette l'a attrapé pour l'amener au Pays perdu», a-t-on entendu chez les spectateurs, une fois la pièce terminée, au parc Beaubien d'Outremont, mardi dernier.

«Je veux que ça recommence!», a même réclamé une petite de 5 ans. Heureusement, il reste encore une douzaine de représentations, dont une ce soir au parc Armand-Bombardier de Rivière-des-Prairies.

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Peter Pan. Jusqu'au 9 septembre. Horaire: laroulotte.accesculture.com