Dans une contrée lointaine où les forces du Mal ont transformé les bonnes gens en statues de pierre, Amos Daragon est choisi par la coalition du Bien pour rétablir l'ordre planétaire. Vaste mission pour un ti-cul de 12 ans, qui s'y engage d'emblée, armé du trident que lui a légué une déesse marine avant de mourir. Avec la pierre blanche, sésame et sauf-conduit au pays de ceux qui portent le Masque.

Voilà la trame, simple, universelle, du nouveau spectacle Amos Daragon - La première aventure, inspiré de l'oeuvre de Bryan Perro et présenté à la Cité de l'énergie de Shawinigan jusqu'à la mi- août.

Dans sa ville natale, Perro a su tirer profit des vastes moyens mis à sa disposition par le patron de la Cité de l'énergie. Robert Trudel a ainsi engagé deux millions dans le projet et fait d'Amos Daragon la plus grosse production jamais montée en dehors de Montréal et de Québec.

Peut-être aussi la plus élaborée dans l'intégration des technologies multimédias aux arts de la scène et à ceux du cirque. Et, peut-être encore, la plus risquée, quand on sait que Perro a pris le pari des dialogues préenregistrés, les personnages étant incarnés par des artistes de cirque qui, tous masqués, conjuguent lipsync et gestuelle théâtrale. «Je voulais m'assurer que les spectateurs puissent suivre l'histoire», nous a dit l'auteur et metteur en scène, rencontré mardi avant le spectacle. «En choisissant d'enregistrer les dialogues, nous éliminons le risque de perdre une réplique à cause d'un coup de vent ou d'un micro défectueux.»

Raphaël Grenier-Benoît, l'Oli de l'émission Les Parent, est la voix d'Amos Daragon, tandis que l'éternel Marcel Sabourin prête la sienne au personnage-narrateur, un druide à l'humour «calembourgeois» qui guide le spectateur dans une histoire où le non-initié pourrait s'égarer, tellement le Mal prend de nombreux visages. Mais on ne perd pas un mot, même quand les gradins (chauffés) de la Cité de l'énergie se mettent à pivoter sur eux-mêmes pour nous emmener du village médiéval au repaire du zézayant roi-lézard, en passant par la forêt enchantée par des créatures aussi fantastiques les unes que les autres.

On appréciera la conception et la qualité du jeu dramatique des marionnettes géantes - et méchantes -, «habitées» par des artistes qui doivent appuyer le propos avec les bras de leur créature, actionnés par des bâtons. Efficacement ingénieux.

Une dizaine de numéros d'acrobates viennent s'intégrer, plutôt bien en général, à l'histoire, soutenue par ailleurs par la musique aux rythmes dramatiquement saccadés de Jeannot Bournival. De la belle ouvrage, là aussi. Un regret: la non-utilisation à des fins dramatiques de cette somptueuse arrière-scène constituée par ce bras du Saint-Maurice, à la hauteur du centre-ville de Shawinigan. «Attendez la deuxième aventure», promet Bryan Perro, engagé avec son héros pour neuf ans - trois spectacles de trois étés - à la Cité de l'énergie. Une aventure!

Julien Roy, de Québec, y sera, c'est certain. Mardi, avant le spectacle, ce jeune fan d'Amos Daragon lisait un exemplaire dédicacé du Sanctuaire des braves. «Chez nous, Amos Daragon remplace les jeux vidéo», a dit sa mère, Josée Langlois. À la bonne heure!

Les plus vieux aussi sont repartis enchantés - Amos va se faire plein de nouveaux amis cet été -, charmés comme on l'est à la fin d'un conte magique où le Bien triomphe par l'action concertée d'Amos, de Béorf et de Medusa, électrisante gorgone au regard mortel. Frissons d'été.

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Amos Daragon - La première aventure, à la Cité de l'énergie de Shawinigan, jusqu'au 18 août. Info: www.spectacleamosdaragon.com