On peut aborder la critique du spectacle Toupie et Binou sur la lune en s'adressant au public cible: nos enfants. Vous avez aimé le spectacle? «Oui!» Qu'est-ce que vous avez aimé? «Tout!» On se dit alors qu'on doit leur apprendre à développer leur point de vue, mais qu'il vaut mieux faire le boulot soi-même pour le moment et tirer une conclusion plus nuancée de notre vendredi soir au Théâtre St-Denis.

On doit admettre d'emblée que, sur le plan des décors et des accessoires, l'environnement du spectacle transpose à merveille l'univers du dessin animé, qui lui sert davantage de référence que les livres de Dominique Jolin (créatrice de Binou et Toupie). De la dame dragonne à Monsieur Mou (que les enfants sont heureux de retrouver), en passant par la lampe, le divan et le livre, le monde de l'inséparable tandem est superbement rendu.

Or, si la scénographie semble avoir été conçue dans le but de refléter l'univers (et de l'impression aux parents d'en avoir pour leur argent), la trame du spectacle et l'interprétation semblent avoir été dirigées avec l'arrière-pensée que «ce n'est que pour les enfants». Triste à dire, mais l'esprit et le dynamisme de Toupie et Binou n'y sont pas. Du moins pas toujours.

Ici, la personnalité de la grande souris naïve est quasiment réduite à une surutilisation des mots «merveilleux», «extraordinaire» ou «fantastique» lancés d'une voix suraiguë (qui n'est malheureusement pas celle de Marc Labrèche). Le texte, du reste, semble avoir été traduit à la va-vite (la production a été créée en anglais), ce qui explique peut-être pourquoi il est si banal et, par moment, si peu musical, alors qu'il y a beaucoup de chansons dans le spectacle.

L'interprétation s'avère aussi chancelante. La comédienne qui joue la «pieuvre meneuse de piste» n'a pas tellement de voix et fausse... Plusieurs autres acteurs «bilingues» (le spectacle est aussi présenté en anglais à Montréal) disent ou chantent leurs textes en avalant tellement de syllabes qu'on ne comprend rien. Tout ça manque de clarté.

Clairement inspiré de la manière dont Disney exploite ses personnages emblématiques sur scène, ce spectacle de Koba Entertainment a l'ambition de rivaliser avec le géant américain avec des personnages locaux, mais sans s'en donner les moyens au plan artistique. Dans sa forme actuelle, le spectacle Toupie et Binou sur la lune ressemble malheureusement à une récupération mercantile d'un univers autrement plus inspiré que lui. Mais les enfants aiment, curieusement...

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Encore trois représentations samedi (deux en français), puis en tournée dans plusieurs villes du Québec jusqu'au 6 mars.