C'est un bien drôle d'ovni qui survole Montréal en ce moment. À mi-chemin entre le spectacle de cirque et la démonstration d'arts martiaux, Chi of Shaolin, Tale of the Dragon s'annonçait comme la fusion des arts traditionnels chinois et du cirque contemporain, avec un récit plein d'émotions et des personnages auxquels on pourrait s'attacher.

Cette affiche, à la fois intrigante et séduisante, ne remplit malheureusement aucune de ces promesses.

L'auteure et metteure en scène Yan Yan Zhao, qui a coproduit Jungua (présentée ici il y a quatre ans), avait pourtant une bonne intuition. Au lieu de présenter une succession de numéros acrobatiques entremêlés de scènes de combats, exécutés par des diplômés de l'École des moines de Shaolin, elle nous raconterait une histoire qui porterait en elle tous ces numéros variés. L'ex-acrobate a même travaillé avec Guy Caron, l'un des pionniers du Cirque du Soleil, pour donner corps à ce scénario.

De quoi s'agit-il? Un vilain habitué à multiplier les larcins se fait un jour attraper, puis tabasser par celui qu'il tentait de voler. Récupéré par un moine, le jeune bandit sera soigné, puis soumis à un entraînement qui le transformera. Le vilain devenu gentil sera plus tard confronté à une bande de truands, qu'il combattra, tout en leur laissant la vie sauve. Morale de l'histoire: il faut donner une deuxième chance aux vilains, qui ont tous une part de bon en eux. Pourvu qu'on puise dans notre chi (énergie) positif.

En plus du côté simplet et moralisant du récit, le résultat sur scène est décevant, parfois même désastreux. On demande d'abord à des maîtres de kung-fu de faire du théâtre sans paroles. Ce qui n'est déjà pas aisé pour des acteurs chevronnés, alors imaginez pour ces adeptes de nunchaku... Leur jeu, sans subtilité, n'est, en conséquence, que caricature. Leurs numéros d'arts martiaux sont bien sûr parfaitement exécutées, mais ce ne sont tout de même que des numéros d'arts martiaux. Enrobées de fumée pour l'effet spécial.

Arrivent ensuite les cinq acrobates féminines, qui dansent en costume traditionnel, font tourner des tapis, multiplient les jeux d'équilibre, se lancent des diabolos, etc. Tous leurs numéros sont au point - même si certains d'entre eux sont à classer au rayon des numéros de «chien savant» -, mais n'ont absolument rien à voir avec la petite histoire.

Les filles exécutent leurs numéros, sourient au public, et hop! on revient aux hommes, à leurs numéros et à ce scénario cousu de fil blanc qui comprend des épreuves de force (l'enseignement dispensé au vilain), comme ces briques cassées sur la tête d'un moine, ces tiges de métal également brisées avec la tête, ou alors ce maître Shaolin qui s'étend sur des pointes de lance ou qui fait léviter le vilain.

Oui, on écarquille parfois les yeux, mais le plus souvent pour constater le manque de cohésion de ce Chi qui rate ses transitions, nous plongeant chaque fois dans le noir pour passer d'un tableau à l'autre.

La deuxième partie mêle enfin les interprètes (masculins et féminins) dans une ultime tentative de donner forme et corps à ce spectacle où se multiplient les maladresses. Certaines chorégraphies sont ici réussies, mais dans un décor minimaliste de mauvais goût (avec projection d'images fixes à l'arrière-scène) et une musique répétitive aliénante.

Quant à l'émotion promise, elle est restée couchée sur le papier.

Chi of Shaolin, Tale of the Dragon, à la TOHU jusqu'au 6 octobre.