Deux architectes associés, mais aussi, peut-être surtout, deux amis dans la vie. Et pourtant, dès les premières scènes, on sent une distance entre les deux personnages interprétés par Didier Lucien et Mario Morin. On ne les sent pas vraiment liés.

En fait, ils semblent se méfier l'un de l'autre. Alors quand leur relation se détériore... nous ne sommes pas vraiment surpris.

On devine qu'ils sont très différents (deux amis que tout oppose?), mais en même temps, il y a un tel décalage dans le jeu de chacun des acteurs qu'on peine à les suivre dans leur longue dispute amicale qui tourne au vinaigre.

Le personnage de Bernard est excessif, émotif, susceptible et terriblement possessif de son amitié avec Adrien. Quand il apprend que son ami ne viendra pas à la surprise-party que sa femme organise pour son 40e anniversaire, il se braque.

Quand il apprend qu'Adrien n'y va pas parce qu'il fait partie d'un club (dont le signe distinctif est une cravate bleue), qui se réunit tous les premiers jeudis du mois, Bernard perd les pédales. Parce qu'il ignorait que son ami faisait partie d'un club. Et aussi parce que ce «faux frère» ne l'a jamais invité à en faire partie.

Didier Lucien défend bien le rôle de Bernard, mais dans la démesure totale et de façon hyper caricaturale. Son vis-à-vis, Mario Morin, se situe à l'autre extrémité du spectre. Calme, pondéré, discret, flegmatique. Son jeu est réaliste. Oui, le contraste est intéressant, mais il n'y a pas de point de rencontre.

L'auteur Fabrice Roger-Lacan a quand même un sujet en or. Récit construit sur l'amitié entre hommes, Cravate Club soulève des questions pertinentes. Jusqu'où doit aller l'amitié? Jusqu'où doit-on en parler? Quelles en sont les règles «implicites». À quel moment, elle devient intrusive, gênante, envahissante?

Bien sûr, chacun a sa propre définition. Roger-Lacan défend la sienne en explorant les dérives d'une amitié possessive, carrément maladive, qui mènera le personnage de Bernard à sa perte.

La mise en scène de Patrice Coquereau est remarquable. Que ce soit dans le rythme ou les déplacements des acteurs, l'utilisation des deux écrans où apparaissent les ombres des deux amis qui luttent pour la survie de leur amitié, et qui la sabordent en même temps.

Finalement, ce Cravate Club n'est pas banal, mais, me semble-t-il, trop caricatural et trop irréaliste pour vraiment approfondir la réflexion sur l'amitié.

Cravate Club, à la Cinquième salle de la PdA jusqu'au 23 décembre.