La revue de l'année 2009 présentée par le Théâtre du Rideau Vert avait été tiède. Surprise, celle de 2010, possède plus de tonus, ainsi qu'un rythme et un mordant que celle de l'an dernier n'avait pas. La raison: des textes plus inspirés et une distribution plus égale avec l'arrivée de Tammy Verge et Marie-Michelle Garon.

Le ton dynamique a été donné dès le numéro d'ouverture. L'excellente Véronique Claveau a mené une parodie de Lady Gaga dans laquelle elle était coiffée d'un T-Bone -un clin d'oeil discret à la robe de viande portée par la star et dont la signification «politique» échappe encore à une bonne partie de l'humanité.

Véronique Claveau domine encore la distribution, d'ailleurs. Imitatrice formidable (elle est confondante en Sonia Benezra et en Michèle Richard), elle joue et danse rudement bien en plus de pouvoir reproduire les tourbillons vocaux de Céline Dion comme le chant excessif de Diane Dufresne.

Charest en prend pour son grade dans le spectacle qui multiplie les références à la corruption dans le domaine de la construction et aux chicanes judiciaires qui l'opposent à Marc Bellemare et Gérard Deltell. Il n'est pas le seul politicien à passer au tordeur: Benoît Paquette ressort son Gérald Tremblay et Marc Saint-Martin remet son costume de Régis Labeaume dans une parodie très réussie - et presque en vers - du Bourgeois gentilhomme de Molière où le grand profiteur n'est nul autre que... Clotaire Rapaille!

Tous les numéros n'ont pas le même degré de fraîcheur. Ceux consacrés à Lance et compte et à Anne-Marie Losique, par exemple, ressassent de vieilles blagues. Or, de manière générale, lorsque les textes s'avèrent plus faibles, le jeu des comédiens ou les imitations sauvent la mise. Marc Saint-Martin, encore lui, est d'ailleurs formidable en Marc Gagnon.

Passons sur la parodie ratée des Enfants de la télé et ce défilé de niqabs commenté par un improbable tandem d'animatrices, Marie-France Bazzo et Chantal Lacroix, qui donne lieu à des blagues maladroites sur les musulmans. À l'inverse, les auteurs se sont moqués avec adresse du cinéaste Jacob Tierney, qui déplorait le manque de diversité au cinéma québécois, en proposant une série de classiques à la sauce multiculturelle qui se terminait par... Poly-ethnique.

Le rire, ici, est souvent inoffensif et ne sert généralement qu'à se moquer des personnalités. Mais si on s'est allègrement payé la tête de Claude Dubois, des entrevues échevelées de Christiane Charette ou de Claude Mailhot et Alain Goldberg (dans un désopilant et très rose numéro de patinage artistique sans patins), la «résurrection» de Michel Chartrand (Martin Héroux) fut l'occasion de traits d'esprit plus pertinents.

En ces temps où les allégations de corruption et de collusion pleuvent, il n'est pas inutile de voir le syndicaliste rappeler qu'il faut s'occuper de la politique avant qu'elle ne s'occupe de nous, d'aller voter et aussi de l'entendre s'inquiéter de notre apathie collective. «Coudonc', c'est-tu moi qui est mort où ben si c'est vous autres?» lance-t-il. On en rit, bien entendu. On constate aussi que ce genre d'ironie, très efficace, manque cruellement de nos jours.

2010 revue et corrigée, jusqu'au 8 janvier au Théâtre Outremont.