Renouer avec l'esprit du Grand Siècle est une idée qui inspire, ces derniers temps. Après Les Tabarinades, théâtre musical à la mode du XVIIe siècle piloté par l'ensemble de musique baroque Les Boréades cet hiver, voici que Serge Postigo met en scène L'avare à la lueur des chandelles. Deux expériences radicalement différentes, soit, mais qui témoignent d'un même désir de se rapprocher de l'expérience vécue par les contemporains de Molière et de Tabarin.

Serge Postigo ancre sa quête d'authenticité dans un éclairage à l'ancienne: des centaines de bougies disposées à l'avant-scène, dans les coulisses et sur des lustres qui dominent l'aire de jeu. Les flammes, démultipliées par des miroirs, suffisent à tirer la scène des ténèbres tout en l'enveloppant d'un voile d'ombre. On se laisse vite charmer par cette lumière chaleureuse.

 

Accent sur l'éclairage

Une fois habitué à cet éclairage aux chandelles, on l'oublierait presque si le metteur en scène ne s'amusait pas à nous en rappeler la présence. Il en use habilement pour les apartés (les lustres descendent près des acteurs) et se sert de ses acteurs comme éclairagistes. L'allumage des feux de la rampe devient même un numéro comique à part entière au moment de l'entracte.

Harpagon (Luc Guérin), le riche homme au coeur de L'avare, n'est pas le plus guilleret des personnages de Molière. Son amour de l'argent le rend méfiant, soucieux, voire paranoïaque. Plutôt que d'accentuer le côté sombre du personnage, Serge Postigo a choisi d'en explorer l'impulsivité, la naïveté et l'égoïsme - ce qui le rend ridicule, en somme. Ainsi, son Avare tient moins du sévère portrait de caractère que de la comédie, disons, plus légère.

Luc Guérin porte avec une grande adresse l'exigeant rôle sur lequel repose toute la pièce. En ménageant ses effets, il incarne un Harpagon certes malicieux, mais pas fondamentalement méchant. Il n'interprète pas une idée d'avare, mais un humain maladivement jaloux de son bien. Un homme assez fou pour songer à se soumettre lui-même à la question - c'est-à-dire à la torture - pour démasquer le vilain qui lui a chipé sa cassette pleine de pièces d'or...

Moins tonique que Les Tabarinades, mais bien plus drôle que le Bourgeois gentilhomme présenté cet hiver au TNM, cet Avare manque encore un peu de fini. Sa manière de faire le grand écart entre les différentes formes de comique n'est pas toujours au point.

La finesse langagière de Molière est bien mise en valeur, mais les bouffonneries s'avèrent parfois excessives sans susciter le rire escompté. On ne saisit pas non plus pourquoi le personnage de Cléante (Bruno Marcil) a été transformé en une espèce de benêt.

L'essentiel du spectacle est toutefois une affaire de vivacité. Les échanges font mouche, en particulier dans des scènes où Harpagon est confronté à La Flèche (Marc Beaupré, lui aussi excellent), Frosine (Karine Belly) et Cléante. Frédéric Blanchette est excellent en palefrenier et en cuisinier.

Mais les plus grandes surprises et les éclats de rire les plus inattendus, on les doit toutefois au metteur en scène. Pendant toute la durée de la pièce, dans les marges du texte, Serge Postigo glisse en effet des objets, des gestes et des clins d'oeil qui sont de véritables trouvailles. Des petits rien inspirés, qui rappellent qu'on est au théâtre et qu'on est là pour s'amuser.

- Jusqu'au 25 juillet, au Monument-National.