Exit les créatures étranges, oiseaux géants, lézards claquant la queue et autres insectes rampant de leur forêt obscure jusque sur nos sièges: le nouveau spectacle sous chapiteau du Cirque du Soleil se recentre sur l'humain et ses grandes inventions!

Le metteur en scène Michel Laprise a choisi de représenter les cabinets de curiosités, ces ancêtres des musées où se trouvaient jadis exposés pêle-mêle toutes sortes d'objets hétéroclites. Un thème qui s'avère porteur.

Il est question ici des grandes innovations du XIXe siècle, tant dans le domaine des communications que dans celui des transports. De l'appareil photographique à soufflet au télégraphe, en passant par le gramophone, les aéronefs et les chemins de fer. L'imagerie est riche et évoque les univers de Tim Burton ou de Jules Verne.

Mais au fond, les véritables objets de curiosité, ce sont les 46 artistes de cirque sur scène que l'on observe avec fascination. Artistes aériens, contorsionnistes, acrobates, ne sont-ils pas la plus récente invention des arts de la scène? La métaphore est simple, mais efficace.

Il y a encore, bien sûr, quelques drôles de bibittes qui rôdent, cafards géants ou hommes-poissons, mais jamais elles ne font ombrage aux artistes de cirque. Dans Kurios, ils ont toute latitude de s'exprimer. Et le font de belle manière, dans une ambiance festive de fête foraine.

Cela dit, le moule à gâteau demeure le même d'une année à l'autre. Même si le gâteau est très bon. On n'échappe pas à la succession de numéros acrobatiques, entrecoupés de numéros clownesques. Sans oublier la sempiternelle chanteuse perchée dans le décor.

Numéros originaux

Acrobates et clowns font néanmoins preuve d'originalité. Par exemple avec ce numéro de trapèze, auquel on a accroché un vélo, un coup magnifique. Ou encore ce numéro d'équilibre sur chaises avec effet miroir, où une autre équipe empile les chaises du plafond vers le bas!

Un mot sur les numéros clownesques. D'abord leur présence n'est jamais abusive, un exploit en soi. Et puis, il faut bien le dire, ils sont à peu près tous réussis. Le mérite revient au comédien David Alexandre Després, qui a sur scène une présence extraordinaire.

Deux exemples: son cirque invisible, où l'on assiste, hilare, à des numéros fantômes - un numéro d'unicycle sur fil, un duo de planche sautoir et un numéro de fauve. Autre performance mémorable: son imitation de chat hallucinante faite en présence d'une spectatrice invitée.

Un mot enfin sur cette adorable mamie lilliputienne, qui est sans doute la plus grande curiosité de Kurios. D'abord cachée dans sa petite maison logée dans le ventre d'un gros Obélix mécanique, puis ici et là pendant toute la durée du spectacle. Sa présence a séduit et soufflé le public!

Dans son esthétique et son thème très imagé, Kurios nous rappelle un autre spectacle, Iris, qui retraçait l'histoire du cinéma. Mais le spectacle de Michel Laprise n'a pas la qualité chorégraphique de cette pièce malheureusement retirée de l'affiche. Il reste qu'il y a une belle cohésion dans les différents tableaux présentés.

Le metteur en scène disait vouloir éviter les trop lourds appareils et accessoires. Il remporte à peu près son pari. L'immense main mécanique, par contre, était encombrante à souhait et absolument pas nécessaire.

Michel Laprise s'en sort très bien et peut s'enorgueillir d'avoir créé un spectacle de qualité qui, grâce à sa belle touche de fantaisie, parlera aux gens. Surtout, il nous donne l'occasion d'observer de près ces drôles de petites bibittes que sont les artistes de cirque.

Photo Bernard Brault, La Presse